S’IL EST bien connu que le stress est un facteur favorisant la survenue d’un accident coronarien aigu, il demeure difficile de le mettre en évidence et d’en expliquer la physiopathologie expérimentalement. Rares sont les sujets à risque qui accepteraient de se soumettre à une épreuve psychophysiologique susceptible de déclencher la symptomatologie cardiaque pour en analyser les composantes biologiques, dont l’agrégation plaquettaire.
L’équipe de Philip C. Strike (Londres, Royaume-Uni) a donc conçu une étude au cours de laquelle des volontaires seraient soumis non pas à un stress authentique, mais à des conditions susceptibles de s’en rapprocher.
Un stress dans les deux heures précédentes. Il s’agissait de réaliser des épreuves sur ordinateur au cours desquelles des noms de couleurs étaient affichés, mais dans des couleurs différentes. Cinq minutes après, ils étaient soumis à une simulation de discours en public.
Avant les tests, des dosages biologiques (variables hémodynamiques, activation plaquettaire) et un suivi tensionnel ont été effectués. Ils ont été recommencés à cinq, trente, soixante-quinze et cent vingt minutes.
Le choix des participants a été particulier. Au sein d’une cohorte de patients hospitalisés pour un accident coronarien aigu, 34 hommes ont été retenus, en moyenne quinze mois après le syndrome de menace. Selon les données du dossier, quatorze d’entre eux rapportaient un stress dans les deux heures précédentes, les vingt autres n’en déclaraient pas.
Les résultats portent tout d’abord sur la sensation de stress à la suite des épreuves. Sur une échelle de 1 à 7, en moyenne, les participants sont passés de 1,61 ± 0,9 à 3,55 ± 1,6 (tests colorés) et de 4 ± 1 (pour le discours). Le retour à l’état basal a été constaté en trente minutes. De même, la pression artérielle s’est élevée au cours des épreuves pour se normaliser progressivement par la suite. Des variations similaires ont été enregistrées sur les index de stress cardiaque.
L’objectif du travail portait surtout sur les marqueurs de l’activation plaquettaire. A l’état de base, les chercheurs n’ont pas mis en évidence de différence entres les sujets du groupe « stressés avant l’accident coronarien » et les autres. En revanche, chez ces derniers, les tests n’ont pas modifié les variables biologiques, alors que les marqueurs d’activation ont augmenté chez les « stressés ». Les agrégats monocytes-plaquettes sont passés, au cours des épreuves, de 12,1 ± 6,3 % à 24,2 ± 21,1% ; les agrégats neutrophiles-plaquettes sont passés de 6,17 ± 2,2 % à 11,4 ± 9,1 %. Cette variation est demeurée significative pendant trente minutes après la fin des tests pour les agrégats monocytes-plaquettes, mais pas pour les agrégats leucocytes-plaquettes et neutrophiles-plaquettes.
Anomalie de la récupération hémodynamique.
Ces données permettent aux chercheurs britanniques de conclure que «certains patients atteints d’une affection coronarienne peuvent être particulièrement susceptibles au déclenchement par une émotion de ce type d’accident en raison d’une augmentation de l’activation plaquettaire, en réponse au stress, couplée à une anomalie de la récupération hémodynamique».
L’activation des plaquettes, rappellent les auteurs, est au centre du processus de l’accident coronarien aigu. Le syndrome implique la rupture ou l’érosion des plaques vulnérables conjointement à l’activation de facteurs prothrombotiques et inflammatoires. Un stress émotionnel aigu induit des contraintes de cisaillement hémodynamiques associées à l’activation plaquettaire et à un passage à un mode procoagulant des processus d’hémostase. Il est concevable que certains soient particulièrement vulnérables à des stimuli émotionnels en raison d’une tendance à une réponse psychophysiologique majorée face à un stress.
« Proceedings of the National Academy of Sciences », édition avancée en ligne.
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