Les efforts d'un groupe de recherche international comptant une équipe française (unité INSERM 550, hôpital Necker, Paris ) ainsi que des équipes canadiennes et vietnamiennes viennent d'aboutir à l'identification d'un gène de prédisposition à la lèpre.
La détection précoce de cet allèle, localisé sur le bras long du chromosome 6 humain, pourrait permettre la mise au point de stratégies préventives adaptées au fond génétique des individus, résistants ou susceptibles à cette maladie dévastatrice.
C'est en étudiant 86 familles du sud du Vietnam comprenant des fratries touchées par la lèpre lépromateuse ou tuberculoïde que Mira et coll. ont réussi à mettre en évidence l'importance de la région chromosomique 6q25 dans la susceptibilité individuelle à la maladie. Les auteurs ont analysé chez ces sujets le polymorphisme de près de 400 marqueurs microsatellites hautement informatifs et couvrant la totalité du génome humain, avec une résolution d'environ 10 centimorgans. Cette première analyse leur a permis d'identifier 11 régions du génome contenant des marqueurs dont la ségrégation semblait être liée à la susceptibilité des individus à la lèpre. Une analyse plus fine de ces différents segments chromosomiques, appuyée sur 89 marqueurs supplémentaires, les a finalement conduits à ne retenir qu'une seule de ces régions génomiques, située sur le bras long du chromosome 6.
Sept marqueurs au niveau du segment 6q25
Afin de confirmer leur résultat, Mira et coll. ont ensuite analysé chez 208 familles dans lesquelles un cas de lèpre avait été diagnostiqué la ségrégation de 7 marqueurs localisés au niveau du segment 6q25. Ce travail leur a permis d'identifier deux marqueurs, un de 132 paires de bases et l'autres de 223 paires de bases, dont un allèle est associé au développement de la lèpre. Le premier de ces deux allèles à un caractère héréditaire récessif, alors que le second conduit à une hérédité dominante.
La nature et la fonction du (ou des) gène(s) présents dans la région 6q25 restent à déterminer.
La majorité des individus infectés par Mycobacterium leprae ne développe pas la maladie. Parmi les sujets présentant des manifestations cliniques consécutives à cette infection, certains vont avoir la forme lépromateuse de la maladie, grave, évolutive et contagieuse, alors que d'autres n'auront qu'une forme plus bénigne de la maladie, dite tuberculoïde. On soupçonnait depuis des années que cette grande variation de la réponse à l'infection avait des causes génétiques. On avait même identifié en 2001 une région chromosomique située sur le sur le bras court du chromosome 10, qui semblait être associée à une susceptibilité à la forme tuberculoïde de la maladie. Cependant, on n'avait pas pu dire si un polymorphisme particulier du locus chromosomique 10q13 conduisait à une prédisposition aux symptômes de la lèpre en général ou si ce locus était uniquement impliqué dans la forme la plus bénigne de la maladie. Les analyse complémentaires réalisées par Mira et coll. ont pu montrer que, alors que le locus 6q25 contrôle la susceptibilité à la lèpre per se, tuberculoïde et lépromateuse, celui qui a été mis en évidence auparavant sur le chromosome 10 n'est impliqué que dans la lèpre tuberculoïde.
Des stratégies préventives adaptées
Cette étude montre donc que même la susceptibilité à une maladie infectieuse complexe peut être disséquée génétiquement grâce à des méthodes relativement simples et avec des cohortes de taille modeste. Par ailleurs, la découverte de ces gènes de susceptibilité pourrait permettre la mise en place de stratégies préventives adaptées aux individus génétiquement prédisposés à contracter la lèpre. Elle constitue donc un élément utile pour le plan de l'OMS visant à éliminer cette maladie d'ici à 2005.
M. T. Mira et coll., « Nature Genetics », mars 2003, publication en ligne avancée, accessible sur le site http://www.nature.com/ng/
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