Le syndrome néphrotique de l’enfant peut être associé à diverses maladies rénales. Mais il est en règle générale primitif. Son incidence varie de 2 à 7 cas pour 100 000 enfants et sa prévalence est de l’ordre de 16 cas pour 100 000. Sur le plan histologique, on distingue classiquement trois formes de syndrome néphrotique primitif : le syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes (Snlgm), la hyalinose segmentaire et focale (HSF) et la glomérulonéphrite extramembraneuse. Le Snlgm et certaines formes immunes de HSF pourraient constituer deux variantes d’un même processus physiopathologique, ou encore constituer deux maladies différentes. La glomérulonéphrite extramembraneuse, rare chez l’enfant, est une maladie distincte au cours de laquelle des dépôts de complexes immuns circulants sont observés entre les podocytes et la membrane basale glomérulaire. Bien que le Snlgm puisse survenir à tout âge, l’incidence maximale est observée entre 18 mois et 8 ans dans 70 % des cas, tandis que 20 à 30 % des syndromes néphrotiques de l’adolescent sont des Snlgm. L’approche génétique des formes familiales de HSF a permis de mieux comprendre les mécanismes moléculaires sous-tendant le fonctionnement de la barrière de filtration glomérulaire. Des mutations de gènes codant pour des protéines exprimées par les podocytes ont en effet été identifiées. L’altération de ces protéines induit une rupture des interactions entre les podocytes et les diaphragmes de fente.
Un faisceau d’arguments.
Le mécanisme intime de l’étiologie du Snlgm reste toutefois inconnu. Une origine extrarénale est suspectée en raison de l’absence de dépôts de complexes immuns dans les glomérules. Cette hypothèse est renforcée par la constatation de résolutions rapides du syndrome néphrotique en cas de greffe d’un rein provenant d’un donneur atteint de Snlgm ou de HSF.
Réciproquement, un syndrome néphrotique peut être constaté, le plus souvent dans les heures qui suivent la transplantation, en cas de greffe d’un rein normal chez un patient dont la destruction des reins propres résulte d’un Snlgm. Ces constatations plaident en faveur d’un facteur circulant qui modifie la perméabilité capillaire. Il n’a pas été identifié, même si plusieurs candidats ont été proposés. Ce facteur circulant semble dériver des cellules lymphoïdes.
Cette hypothèse de l’origine immune du Snlgm est fondée sur un faisceau d’arguments cliniques et expérimentaux nombreux. Sur le plan clinique, en effet, deux fois sur trois, ce syndrome survient dans un contexte d’activation immunitaire en rapport avec une infection banale comme une virose, ou avec une agression comme une piqûre d’insecte ou une vaccination. Il peut également survenir, même si c’est relativement rare, comme une manifestation paranéoplasique lors de certaines proliférations lymphocytaires malignes comme la maladie de Hodgkin, la leucémie lymphoïde chronique à lymphocytes T, ou une prolifération de lymphocytes T à larges granules (acronyme de « large granular lymphocytes » des Anglo-Saxons), des lymphomes T ou des thymomes. Par ailleurs, sur le plan expérimental, la mise en culture de lymphocytes T de patients atteints de Snlgm permet de produire un ou plusieurs facteurs dont l’injection chez l’animal provoque une protéinurie transitoire et une modification de la synthèse des glycosaminoglycans des podocytes.
Les travaux de l’équipe Inserm de l’institut Mondor de recherche biomédicale portent sur l’identification et la caractérisation de gènes exprimés par le podocyte et qui sont dérégulés au cours du Snlgm. Un nouveau gène, c-mip, isolé à partir des lymphocytes T malades, code ainsi pour une protéine surexprimée au cours des poussées de syndrome néphrotique. Lorsqu’il survient au cours de la maladie de Hodgkin, enfin, le Snlgm est fréquemment cortico-résistant, mais la rémission du syndrome est obtenue lors du traitement du lymphome (3).
*Hôpital Henri-Mondor, Créteil.
(1) Eddy AA, Symons JM. Nephrotic syndrome in childhood. Lancet 2003 ; 362 : 629–39.
(2) Sahali D, et coll. Mécanismes moléculaires impliqués dans l’activation lymphocytaire T au cours du syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes. Actualités néphrologiques 249-62. Flammarion Médecine-Sciences Ed. Paris, 2003.
(3) Audard V, et coll. Minimal change nephrotic syndrome and classical Hodgkin’s lymphoma : report of 21 cases and review of the literature. Kidney Int 2006 ; 69 (12) : 2251-60.
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