LA DERNIÈRE AFFAIRE en date, c'est l'annonce par Jean-Louis Borloo, ministre d'État et de l'Énergie, d'une extension du bonus-malus écologique à toutes sortes d'articles électroménagers, y compris une taxe dite pique-nique sur les couverts en plastique. M. Borloo n'avait pas plus tôt dit que le principe bonus-malus était « révolutionnaire » que sa révolution était étouffée dans l'oeuf : François Fillon s'est empressé de dire que l'extension du bonus-malus n'est pas à l'ordre du jour et de démentir, tout simplement, la taxe pique-nique. M. Borloo et la secrétaire d'État, Nathalie Kosciusko-Morizet, ont été convoqués à l'Élysée où l'on suppose que M. Sarkozy les aura tancés.
L'écologisme n'est pas la ruine.
Ce qui inspire deux réflexions : d'abord, la maladresse de M. Borloo est inconcevable ; en pleine crise du pouvoir d'achat, au moment où une crise financière mondiale risque de ruiner les petits épargnants, alors même que le gouvernement a toutes les peines du monde à imposer à sa propre majorité l'idée d'une nouvelle taxe pour financer le RSA, il faut manquer singulièrement de finesse pour lancer, sans consulter personne, un programme environnemental fondé sur la fiscalité. Si ce n'est pas du pur amateurisme, c'est de la périlleuse témérité.
LA GAUCHE A EU LA PEAU D'EDVIGE ET SAUVEGARDE LA PRIME POUR L'EMPLOI
Ensuite, si l'écologie consiste à augmenter le prix de tous les produits de consommation courante, la France parviendra ruinée à un environnement sain. Le tout-écologie serait une folie en temps de crise financière et économique. Une vraie politique écologique consiste à insérer le respect de l'environnement dans le développement industriel et donc à créer des emplois. Il ne s'agit pas d'assainir le pays en mettant nos industriels sur la paille.
Bien entendu, on doit se demander pourquoi les plus grandes polémiques, controverses et querelles du moment se passent au sein même du gouvernement et moins souvent entre le pouvoir et l'opposition. Depuis que l'équipe Fillon est en place, ses couacs ont été innombrables : c'est Fadela Amara qui tient un discours diamétralement opposé à celui de Christine Boutin, officiellement sa supérieure ; c'est Rama Yade qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, mais est sermonnée par le chef de l'État ; c'est Mme Kosciusko-Morizet qui accuse M. Borloo de lâcheté ; c'est François Fillon qui parle de faillite de l'État quand M. Sarkozy estime que tout va bien ; c'est Bernard Kouchner qui parle de sanctions contre Moscou pour aussitôt se reprendre et affirmer qu'il n'y en aura pas ; c'est Michèle Alliot-Marie qui défend le fichier Edvige avant que le président ne lui donne l'ordre de réviser le décret du 1er juillet dernier et qui, chaque jour, la rappelle au téléphone pour s'informer des changements qu'elle a apportés au texte ; c'est Christine Lagarde qui entend réviser l'ISF, idée rejetée par M. Fillon ; c'est même le RSA qui devait être financé par des économies sur la prime pour l'emploi et qui finalement n'existera que grâce à un nouvel impôt.
C'est la faute du président.
L'opinion doit penser qu'il serait plus simple que, avant tout effet d'annonce, le ministre concerné soumette à l'ensemble du gouvernement ce qu'il doit annoncer. M. Fillon est excellent dans les remises au pas, mais il serait encore meilleur s'il empêchait que quelques divagations donnent l'impression que les ministres sont incontrôlables. S'il ne peut pas guérir le mal à la racine, c'est à cause du président. M. Sarkozy soutient M. Fillon du bout de lèvres et il est de notoriété publique qu'il ne s'entend guère avec lui : leurs styles sont différents. En outre, loin de respecter la hiérarchie, le président entretient une relation personnelle avec chaque ministre ; il a même créé une garde rapprochée composée de sept ministres en qui il a particulièrement confiance et qu'il réunit en l'absence du Premier ministre, ce qui ressemble fort à un gouvernement dans le gouvernement.
Du coup, il a créé entre ses subordonnés une compétition qui les conduit à accomplir de petits coups de force, comme celui qu'a tenté de faire M. Borloo. Chacun espérant recevoir l'onction divine, ils laissent s'exprimer leur ambition. M. Borloo, qui a fait une carrière politique fulgurante, rejoint les nombreux membres de la droite que l'ambition de Xavier Bertrand agace, énerve ou exaspère. Le fait même que les jours politiques de M. Fillon soient comptés exacerbe le désir de pouvoir : il y a une place à prendre.
L'incohérence des déclarations traduit-elle une incohérence des idées et des décisions ? Pour la gauche en tout cas, il a été plus facile, ces derniers temps, de refouler les mesures du gouvernement. C'est ainsi qu'elle a eu la peau d'Edvige et sauvegardé la prime pour l'emploi.
Mme Alliot-Marie n'est pour rien dans l'affaire Edvige : personne ne nous dit sincèrement que les informations les plus confidentielles ont toujours figuré sur les fiches existantes et que les Renseignements généraux n'ont sûrement pas hésité à signaler qu'un homme politique, par exemple, est homosexuel ou qu'il souffre d'un cancer. La façon dont M. Sarkozy, ancien ministre de l'Intérieur, qui sait donc tout sur tout le monde, s'est indigné du décret instituant Edvige, est quelque peu hypocrite. Son acharnement à vider le décret des dispositions les plus contestées lui donne presque un vernis de gauche, au même titre que le financement du RSA. Au moment où enfin sa cote de popularité décolle, va-t-il appliquer le programme que les socialistes sont incapables d'établir ? Après seize mois de réforme non-stop, le président semble faire une pause et chercher davantage à séduire l'opinion qu'à changer le pays quoi qu'il en coûte.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature