En exposant les résultats de l'étude « Cinq mille maladies rares, le choc de la génétique » commandée par le Conseil économique et social (« le Quotidien » du 5 octobre), Bernard Barataud avait souligné la nécessité de « créer de nouveaux lieux de dialogue », afin de « construire de nouvelles relations entre médecins, patients et associations ». Avec le lancement de la plate-forme maladies rares à l'hôpital Broussais, c'est désormais chose faite. Les objectifs sont multiples : pallier l'errance diagnostique, le manque d'information et de réponse thérapeutique, tout en encourageant la recherche, frileuse dès qu'investissement ne rime pas forcément avec profit.
Pourtant, si les maladies sont rares, les malades, eux, sont nombreux. Le collectif européen d'associations de malades Eurordis rappelle que l'Europe compte près de 25 millions de personnes atteintes par une des 6 000 maladies rares connues. Mais il existe un obstacle qui freine la bonne compréhension des maladies rares : l'absence de statistiques épidémiologiques fiables. Pour tenter de fournir des chiffres convaincants, une étude a été menée à la demande de l'AFM (Association française contre les myopathies) entre juillet et septembre 2001. Résultat : l'incidence réelle pour l'ensemble des maladies rares se situerait autour de 3 %. La prévalence a pu être estimée pour 508 maladies : l'immense majorité d'entre elles ne touche que quelques personnes à l'échelon de la France. Pour autant, les dépenses engendrées par ces maladies sont loin d'être négligeables : de 12 à 31 milliards de francs y seraient consacrés chaque année. Et encore ce chiffre est-il sans doute sous-estimé, compte tenu de l'absence de codage spécifique des consommations de soins par maladie.
Au vu de ces données, on comprend la nécessité de coordonner les démarches de diverses associations au sein de la même structure.
La plate-forme propose différents services, issus d'une compilation des compétences propres à chaque association partenaire. Par exemple, l'ancien numéro d'Allô-Gènes (0.810.63.19.20), rebaptisé Numéro Azur Maladies Rares Info Service, continuera à écouter et à orienter patients et médecins. De son côté, Orphanet poursuit sa mission : fournir des informations en ligne et héberger divers sites Web d'associations (orphanet.infobiogen.fr). Eurordis continue la mise en réseau des différents acteurs européens, ainsi que l'organisation de conférences nationales et européennes, en collaboration avec Alliance Maladies Rares. Laquelle met, en outre, à la disposition des trois autres associations ses moyens logistiques et ses bureaux.
Une coordination des efforts en un lieu unique, pour une efficacité optimale des démarches, soit. Mais cette opération a un coût. Alors, qui finance la plate-forme ? Essentiellement l'AFM, qui s'engage à lui fournir plus de 7 millions de francs par an. Or « les missions de la plate-forme relèvent d'une démarche de santé publique, s'inscrivant de surcroît dans les actions prioritaires du ministère de la santé », remarque le Dr Ségolène Aymé, directrice d'Orphanet. En clair, les subventions de l'Etat seraient les bienvenues. « Une enveloppe de 500 000 F fournie par la direction générale de la Santé viendra s'ajouter aux aides de l'AFM en 2002 », a annoncé Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé. « Certes, c'est encore bien maigre, mais au moins, c'est un début », ont convenu les directeurs des associations membres de la plate-forme.
Des mesures contre la mucoviscidose
En outre, Bernard Kouchner a annoncé une série de mesures destinées à améliorer l'organisation des soins. Une batterie d'expériences va être réalisée sur une des maladies rares les plus fréquentes, la mucoviscidose. Des centres de ressources et de compétence de la mucoviscidose devraient voir le jour prochainement. « Il s'agit de structures hospitalières pluridisciplinaires qui doivent répondre aux besoins des malades vingt-quatre heures sur vingt-quatre et disposer d'un plateau technique défini par un cahier des charges. » Trente millions de francs seront destinés chaque année au fonctionnement de ces centres. Ainsi, l'espérance de vie française des malades, actuellement de 29,6 ans, atteindra peut-être les 45 ans du Danemark, qui utilise ce type de centres depuis de nombreuses années. Par ailleurs, Bernard Kouchner souhaite mettre en place le dépistage de la mucoviscidose à la naissance, fondé sur le dosage de la trypsine immunoréactive (TIR). Les laboratoires hospitaliers pratiquant le diagnostic par génétique moléculaire de la mucoviscidose recevront un soutien financier. Enfin, le ministre de la Santé a déclaré « souhaiter le développement de réseaux mucoviscidose ».
Autres pathologies qui ont les faveurs du ministre : les maladies neuromusculaires et la SLA (sclérose latérale amyotrophique). Un groupe de travail se réunira pour la première fois le 25 octobre prochain en vue d'améliorer la prise en charge des patients concernés.
Une filière santé de l'ADN
Autre souhait exprimé par Bernard Kouchner : « Il faut impérativement bâtir une filière santé de l'ADN au plus vite. » A cette fin, le Comité national de génétique humaine vient d'être créé. Son objectif : conseiller le ministre de la Santé dans la mise en uvre de sa politique de génétique clinique. Dans les semaines à venir, il tentera de déterminer les moyens du transfert de la génomique vers les pratiques diagnostiques et thérapeutiques. Cinq millions de francs seront, en outre, injectés pour constituer la fameuse filière ADN. Enfin, Bernard Kouchner a dit « vouloir poursuivre la dynamique actuelle sur les médicaments orphelins ». L'enveloppe de 1,5 milliard de francs consacrés aux médicaments innovants en 2002 servira à financer, entre autres, quatre médicaments orphelins, concernant notamment la maladie de Fabry.
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