DE NOTRE CORRESPONDANT
L'APPOSITION d'une plaque commémorative sur la façade de l'institut d'anatomie, réclamée depuis plusieurs années par un certain nombre de médecins de la région, met fin à une longue polémique entre l'université et les partisans de ce projet. Ces déportés juifs du camp du Struthof, le seul camp de concentration nazi en territoire français, furent assassinés en 1943, puis amenés à Strasbourg à la demande du Pr August Hirt, alors directeur de l'institut d'anatomie de la faculté de médecine allemande, qui s'était installée de 1941 à 1944 dans les locaux de la faculté de médecine strasbourgeoise d'avant-guerre. Hirt voulait constituer une collection anatomique à partir de ces corps, retrouvés en morceaux dans des bassines au moment de la Libération.
L'actuelle faculté de médecine considère qu'elle n'est en aucun cas « l'héritière » de la faculté nazie et n'a donc pas à assumer de quelque manière que ce soit les actes de cette dernière. Légalement, la faculté française était repliée à Clermont-Ferrand de 1939 à 1945 et n'a jamais cessé de fonctionner. A l'inverse, plusieurs médecins, à l'initiative du psychiatre Georges Federmann, réclamaient depuis longtemps qu'une plaque soit apposée sur les lieux où les corps ont été retrouvés.
L'université et la faculté ont finalement apposé une plaque qui précise que le crime a été commis par August Hirt, professeur à la Reichsuniversität de Strasbourg (université du Reich, appellation de l'université entre 1941 et 1944), alors même que la faculté de Strasbourg était repliée à Clermont-Ferrand. La plaque exhorte les passants à « se souvenir (des victimes) pour que jamais plus la médecine ne se détourne des chemins de la vie ».
Une commission historique.
A cette occasion, l'université rappelle solennellement « l'importance d'une formation éthique pour tous les chercheurs ». Elle souligne que les recherches doivent faire l'objet de limites et de contrôles stricts. Les crimes du Pr Hirt et de plusieurs de ses confrères n'étaient pas des actes isolés. Ils s'inscrivaient dans un système scientifique qui, mettant la recherche avant l'homme, admettait sans broncher de telles pratiques.
En outre, l'université et la faculté de médecine ont décidé de créer une commission historique indépendante, afin de faire la lumière sur l'ensemble des activités menées à la Reichsuniversität : « On sait que des Tziganes, des prisonniers russes et des résistants ont, eux aussi, été tués, puis envoyés à Strasbourg à des fins de recherche », rappelle le Dr Christian Bonah, l'un des enseignants chargés de l'enseignement de l'histoire à la faculté. Ces dernières années, des travaux menés par des historiens professionnels ont permis de connaître l'identité des 86 victimes du Pr Hirt. D'autres historiens tentent d'identifier les victimes de deux autres professeurs de la Reichsuniversität, Eugen Haagen et Otto Bickenbach, qui avaient conduit des expérimentations sur des déportés, portant notamment sur la survie en état d'apesanteur, et sur des essais d'un vaccin contre le typhus.
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