CES TRAITEMENTS agissent sur le déficit cholinergique associée à la détérioration cognitive, ou sur la cible glutamatergique, le glutamate étant le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. Ces molécules améliorent ou retardent la dégradation des fonctions cognitives, stabilisent ou améliorent les activités de la vie quotidienne et sont actifs sur les troubles du comportement.
Toutefois, ces traitements ne sont que symptomatiques. C'est la raison pour laquelle d'autres pistes thérapeutiques ont été explorées. Les lésions de la maladie sont caractérisées par une dégénérescence neurofibrillaire, mais aussi par la présence de plaques amyloïdes. Ces plaques sont principalement constituées de deux polypeptides, les peptides amyloïdes bêta (ou Aß). Ils sont issus du clivage de la protéine précurseur du peptide amyloïde (APP) par une bêta-sécrétase ou Bace, pour « Beta-Amyloid Converting Enzyme »), puis par une gamma-sécrétase.
Une hypothèse, la cascade amyloïde.
Les peptides Aß40 et Aß42 formés sous l'action de ces clivages prennent une conformation en feuillets, puis forment des agrégats. Ceux-ci se déposent au niveau du cortex cérébral en raison de leur mauvaise élimination. Les peptides s'accumulent alors dans les neurones, puis dans le milieu extracellulaire, ce qui provoque finalement la formation de plaques amyloïdes. Les anomalies neuropathologiques de la maladie d'Alzheimer dans ses formes héréditaires sont apparemment identiques à celles des formes du sujet âgé. Dans le cas des formes héréditaires, la mutation d'un gène rend compte de la cascade des événements qui conduisent à la maladie. Cette hypothèse, dite de la cascade amyloïde, est à l'origine de deux voies de recherche, celle des inhibiteurs de la gamma-sécrétase et l'immunothérapie contre les peptides amyloïdes bêta.
Les premières données expérimentales observées par D. Schenk et coll. en 1999 (1) ont suggéré la possibilité d'une immunothérapie par le peptide Aß42. En effet, ces auteurs ont étudié des souris porteuses d'un transgène responsable de la surexpression d'une protéine APP humaine. Ces souris développent des dépôts amyloïdes au niveau du cortex cérébral, ainsi que des troubles mnésiques qui s'aggravent avec l'âge. Or D. Schenk et coll. ont montré que la « vaccination » par le peptide Aß42 pouvait limiter le développement des dépôts amyloïdes. Ultérieurement, il a été montré que le nombre des plaques pouvait diminuer sous immunothérapie chez l'animal. Des effets bénéfiques de ce traitement sur la mémoire spatiale de l'animal ont été également constatés. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l'efficacité de l'immunothérapie chez l'animal, comme l'opsonisation des fibrilles amyloïdes par les anticorps et l'activation de la microglie, la dissociation, puis la solubilisation passive des complexes antigène-anticorps ou encore l'efflux des peptides vers la circulation systémique sous l'action d'un gradient de concentration provoqué par la séquestration des peptides amyloïdes bêta sériques sous l'action du vaccin.
Un intérêt renouvelé.
Le succès des expérimentations animales a encouragé la réalisation d'essais d'immunisation (ou « vaccination ») contre la maladie d'Alzheimer chez l'homme. Les premiers essais cliniques, de phase I, avaient montré que le vaccin était bien toléré et qu'il induisait une réponse en anticorps. Un essai de phase II contre placebo a donc été mis en œuvre afin d'évaluer l'efficacité et la tolérance de ce produit et d'en déterminer le dosage optimal chez des sujets atteints de maladie d'Alzheimer légère à modérée. Malheureusement, une méningo-encéphalite inflammatoire subaiguë a été observée chez 6 % des patients appartenant tous au groupe des 300 malades ayant reçu le produit actif. Cela a conduit les organisateurs à l'arrêt prématuré définitif de l'essai (2). Les troubles ont régressé chez tous les patients à l'exception d'un malade qui a gardé des séquelles cliniques graves. L'hypothèse admise pour rendre compte de ces manifestations est une réponse immuno-allergique spécifique médiée par les lymphocytes T.
Des chercheurs de l'université de Toronto ont toutefois montré que la vaccination par un fragment seulement du peptide Aß42 pouvait également être efficace et mieux tolérée (3). Ils ont ainsi ouvert la voie pour la recherche d'un vaccin bien toléré ou de molécules pouvant simuler les effets des anticorps. L'administration d'anticorps monoclonaux anti-ß est également une piste thérapeutique possible, de même que l'utilisation de produits de synthèse se fixant au peptide Aß systémique pour en favoriser l'efflux hors du système nerveux. Par ailleurs, le succès éventuel d'une vaccinothérapie permettrait de valider l'hypothèse de la cascade amyloïde dans la maladie d'Alzheimer commune.
D'après un entretien avec le Pr Bruno Dubois, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Schenk D, Barbour R, Dunn W et coll. Immunization with Amyloid-Beta Attenuates Alzheimer-Disease-Like Pathology in the Pdapp mMuse. « Nature » 1999 ; 400 : 173-177.
(2) Schenk D. Amyloid-Beta Immunotherapy for Alzheimer's Disease : the End of the Beginning. « Nat Rev Neuro » 2002 ; 3 : 824-828.
(3) McLaurin J, Cecal R, Kierstead ME et coll. Therapeutically Effective Antibodies Against Amyloid-Beta Peptide Target Amyloid-Beta Residues 4-10 and Inhibit Cytotoxicity and Fibrillogenesis. « Nat Med » 2002 ; 8 (11) : 1263-1269.
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