L'immunité innée de la drosophile peut s'adapter

Une piste pour des vaccins chez les sujets immunocompromis

Publié le 13/03/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

CE NOUVEAU travail soulève deux questions : le système immun inné des vertébrés partage-t-il une biologie similaire ? Les humains pourraient-ils tirer parti de cette réponse immune rudimentaire lorsque leur immunité adaptative est compromise ?

«C'est un tremplin pour regarder le système immunitaire d'une toute nouvelle façon», observe le Dr David Schneider, chef du département de microbiologie et d'immunologie à Stanford, qui a dirigé l'étude publiée dans la revue de la Public Library of Science-Pathogens.

«Les patients sidéens sont comme les mouches drosophiles, dans le sens où ils n'ont pas de cellulesT qui fonctionnent correctement, explique le Dr Schneider. Si l'on pouvait faire quelque chose pour améliorer leur immunité innée à travers l'adaptation, ce serait vraiment utile. »

Exploiter chez l'homme cet éventuel pouvoir d'adaptation du système immunitaire inné pourrait également être précieux pour la défense contre le bioterrorisme ou les infections pandémiques.

Un vieux dogme ébranlé.

Cette découverte, tout en invitant à penser à de nouvelles approches pour de futurs vaccins et traiter les patients sidéens, ébranle un vieux dogme.

Tous les organismes sont dotés d'une réponse immune innée : une réponse immédiate non spécifique qui survient en l'absence d'immunisation préalable et qui constitue la première barrière de défense vis-à-vis de divers agents pathogènes.

Les vertébrés possèdent, en outre, une immunité adaptative : une immunité spécifique, qui requiert des cellules T et B et possède une mémoire. Cette immunité adaptative explique la protection conférée par les vaccins.

La mouche drosophile, comme les autres invertébrés, ne dispose que de la réponse immune innée pour combattre des microbes envahisseurs. Par définition, l'immunité innée est dépourvue de caractéristiques adaptatives.

En fait, en raison de cette définition, personne n'avait jamais conduit d'expérience pour voir si le système immunitaire de la mouche pouvait s'adapter.

Linh Pham, une étudiante de troisième cycle dans le laboratoire du Dr Schneider, a cherché à savoir ce qui se passe lorsqu'une mouche rencontre un organisme pathogène pour la seconde fois.

Streptococcus pneumoniae.

Dans un premier temps, elle a choisi la bactérie Streptococcus pneumoniae ; l'injection d'une dose de 3 000 CFU de cette bactérie chez la mouche entraîne le décès rapide de la mouche (dose létale).

Une série d'expériences fut conduite chez plus d'un million de mouches.

Pham ne s'attendait pas à des résultats aussi nets : lorsque les mouches reçoivent une première injection avec une dose sublétale de S.pneumoniae (dose inférieure à la dose létale), elles sont protégées contre une seconde injection, une semaine après, d'une dose normalement létale.

Une première injection de bactéries tuées (par la chaleur) est, en outre, suffisante pour protéger les mouches contre une seconde injection d'une dose normalement létale de S.pneumoniae.

Tandis que toutes les mouches témoins, qui avaient reçu en première injection une solution saline, étaient mortes en deux jours, les mouches «vaccinées» vivaient aussi longtemps qu'un groupe séparé de mouches non infectées (environ un mois).

Cet effet protecteur présente une surprenante spécificité pour S.pneumoniae et persiste pendant toute la durée de vie de la mouche, rapportent les chercheurs.

Bien que tous les microbes n'induisent pas une réponse protectrice, l'équipe a découvert qu'une protection spécifique similaire pouvait être obtenue avec un champignon, Beauveria bassiana, qui infecte naturellement les mouches.

Le mécanisme sous-jacent de cet effet protecteur, que les chercheurs ont caractérisé avec S.pneumoniae, requiert des phagocytes et la voie du récepteur Toll.

Prudence.

«Bien que les mécanismes sous-jacents soient probablement très différents, cette réponse amorcée rappelle la protection induite par un vaccin, en ce sens qu'elle présente une sensibilité grossière ( S.pneumoniae tué ne protège que contre lui-même), persiste toute la vie de la mouche et dépend des phagocytes. »

L'équipe cherche à préciser encore mieux comment la mouche se protège contre S.pneumoniae.

«Un des intérêts de ce travail est qu'il pourrait ouvrir une avenue pour développer un vaccin qui module le système immunitaire inné», observe Pham. «Evidemment, c'est avec prudence que nous caressons cet espoir. »

Public Library of Science-Pathogens, 9 mars 2007, Pham et coll.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8125