DE NOTRE CORRESPONDANT
LE RÔLE du facteur REST (RE1-Silencing Transcription Factor), aussi dénommé NRSF (Neuron-Restrictive Silencer Factor) avait déjà été soupçonné dans une étude antérieure qui montrait sa sous-expression au niveau de neurosphères (2) obtenues à partir de cultures cellulaires cérébrales provenant de foetus trisomiques (S. Bahn et coll., 2002).
Le gène REST a une fonction modulatrice de divers gènes impliqués dans la neurogenèse. Mais alors qu'il inhibe leur expression dans les tissus non neuronaux, il orchestre leur activation au cours de la différenciation neuronale. On en est ainsi venu à le considérer comme un facteur essentiel durant le processus de transition de la cellule souche embryonique pluripotente à la cellule progénitrice neurale et au neurone mature.
De l'embryon au cerveau adulte.
L'équipe du Pr Dean Nizetic (Barts & The London, Londres), réunissant des chercheurs britanniques, suisses, australiens, américains et espagnols, objective, dans un modèle de souris DS (pour Down Syndrome) transchromosomiques, soit des souris portant une copie du chromosome 21 humain, une réduction de 30 à 60 % de l'expression du gène REST chez ces animaux. Ils montrent aussi que l'anomalie s'observe depuis le stade de cellules souches embryonnaires non différenciées jusqu'à celui de cellules de cerveau adulte.
Leur étude indique, par ailleurs, que les niveaux d'expression du gène REST sont corrélés, sur des cellules souches humaines et murines de trisomie 21 partielle, à l'activité kinase du locus DYRK1A (21q22) du chromosome 21. Ce locus apparaît ainsi être l'eQTL (Quantitative Trait Locus) le plus significatif dans le contrôle de l'expression de REST au niveau du génome humain. Du reste, l'inhibition spécifique de l'expression de DYRK1A préserve les niveaux d'expression de REST.
Récemment, une autre équipe (R. H. Reeves et coll., 2007), travaillant sur une région critique à 33 gènes de modèle de trisomie murin (Ts1Rhr), n'avait retrouvé aucune anomalie de la fonction hippocampique (un trait phénotypique du modèle murin DS), en dépit de l'existence en trois copies du gène DYRK1A. L'équipe du Pr Nizetic aboutit, quant à elle, à des observations bien différentes. Elle met en évidence, chez 4 modèles murins différents à régulation REST négative (Tc1, Ts1Cje, TgDyrk1A et un quatrième avec un fragment génomique comprenant 4 gènes HSA21, dont DYRK1A), des déficits d'apprentissage en commun, par comparaison avec un modèle de type « sauvage », ainsi que divers signes de dysfonctionnement hippocampique.
Déséquilibre d'un complexe multiprotéique.
Il n'en reste pas moins surprenant que le surdosage comme l'inhibition du gène DYRK1A se traduisent par le même résultat : une réduction de l'expression de REST. Cela s'explique vraisemblablement, estiment les auteurs, par l'existence d'un déséquilibre au niveau d'un complexe multiprotéique régulant la transcription du gène REST.
Il est, par ailleurs, intéressant de noter que le locus DYRK1A appartient à un groupe de loci corrélés à la maladie d'Alzheimer (3), comme cela a été montré dans une étude familiale (D. Blacker, 2003).
C'est la première fois qu'est démontré, de façon convaincante, le rôle d'une anomalie de la régulation d'un gène dans le mécanisme de la trisomie 21. Cette découverte demande, bien sûr, à être confirmée par d'autres travaux, mais elle fait envisager la possibilité de traiter, à long terme, certains aspects phénotypiques de la trisomie.
(1) Canzonetta C et coll. The American Journal of Human Genetics 83, 12 septembre 2008 (publié en ligne).
(2) Des clones de cellules poussant en suspension qui dérivent de cellules souches neurales.
(3) On sait que l'un des traits de la trisomie 21 est la survenue précoce de cette neurodégénerescence.
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