De notre correspondante
à New York
« NOS RESULTATS suggèrent que l'APOBEC3G, ou une protéine apparentée, pourrait être responsable de l'éradication du VHB chez les patients qui ne développent pas une infection chronique », déclare au « Quotidien » le Dr Didier Trono, qui a mené ces travaux à l'université de Genève (Suisse).
« Il nous faut maintenant apporter des preuves à l'appui de ce modèle ; par exemple, en documentant une élévation de l'APOBEC3G, ou d'une protéine apparentée, dans le foie des patients infectés par le VHB et qui sont en passe d'éradiquer le virus », précise-t-il.
« Pour ce qui est des implications thérapeutiques, on pourrait envisager d'induire l'expression hépatique de l'Apobec3G, ou d'une protéine apparentée, chez les individus infectés de façon chronique par le VHB », explique-t-il. « Cette induction protéique pourrait être accomplie de façon pharmacologique ou par thérapie génique. Et cela pourra être testé dans des modèles animaux. »
Destruction ou inactivation de l'ADN rétroviral.
Les virus, pour se répliquer efficacement dans nos cellules, doivent surmonter un certain nombre de mécanismes de défense innée. L'enzyme cellulaire Apobec3G, récemment découverte, suscite un grand intérêt car elle représente une barrière contre un large spectre de rétrovirus, en limitant leur réplication intracellulaire.
En effet, cette cytidine désaminase s'incorpore dans les particules rétrovirales et, durant la transcription reverse, désamine les résidus dC en résidus dU dans les brins d'ADN viral en formation ; ces mutations provoquent la destruction ou l'inactivation de l'ADN rétroviral.
Il est à noter toutefois que le VIH1, comme la plupart des autres lentivirus, échappent à cette inhibition de l'Apobec3G grâce à la protéine virale VIF (virion infectivity factor) ; VIF empêche l'incorporation de la désaminase dans les virions et déclenche la dégradation de l'enzyme par le protéasome.
Turelli, Trono et coll. ont décidé d'examiner l'effet de l'APOBEC3G sur le virus de l'hépatite B (VHB). Ils décrivent les résultats de leur étude in vitro dans la revue « Science ».
Les chercheurs ont constaté que l'enzyme Apobec3G inhibe in vitro la réplication du VHB. En effet, lorsque des cellules hépatiques infectées par le VHB sont coinfectées par un vecteur exprimant l'Apobec3G, elles produisent et libèrent cinquante fois moins d'ADN viral que lorsqu'elles sont coinfectées par un vecteur témoin. Cette réduction intracellulaire de l'ADN viral dépend de la dose d'Apobec3G. De plus, cet effet est complètement aboli par la présence de la protéine VIF du VIH1.
Le mécanisme par lequel l'Apobec3G inhibe la réplication du VHB semble être différent de celui utilisé pour inhiber les rétrovirus. En effet, l'ADN VHB dans les cellules exprimant l'Apobec3G n'est pas trouvé muté. De plus, l'Apobec3G inactivée par catalyse inhibe toujours autant le VHB, alors qu'elle devient incapable d'inhiber le VIH1 déficient en VIF.
Si le mécanisme exact reste à préciser, l'inhibition du VHB semble résulter principalement d'une inhibition au niveau de l'ARN VHB prégénomique (avant la production de l'ADN VHB).
« Notre travail élargit le spectre des virus connus qui sont inhibés par l'Apobec3G », concluent donc les chercheurs.
La réponse antivirale innée.
La question se pose maintenant de savoir si l'Apobec3G contribue à la réponse antivirale innée capable d'éliminer l'ADN VHB au cours d'une infection aiguë, évitant ainsi le passage à la chronicité. Bien que l'enzyme ne soit pas exprimée dans le foie, remarquent les chercheurs, elle pourrait l'être au cours de l'infection par le VHB, sous l'influence, par exemple, des cytokines.
Quelle que soit la réponse à cette question, l'inhibition du VHB par l'Apobec3G suggère de nouvelles approches thérapeutiques pour l'hépatite B chronique. Un grand problème de santé publique, puisque le VHB infecte de façon chronique plus de 250 millions d'individus dans le monde, et représente, on le sait, une des premières causes d'insuffisance hépatique et de cancer du foie.
« Science », 19 mars 2004, p. 1829.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature