LE DÉVELOPPEMENT des métastases est à l'origine de la majorité des décès liés au cancer. Aussi l'élucidation des mécanismes moléculaires et cellulaires présidant à leur implantation représente un objectif majeur de la recherche en cancérologie. Pour expliquer pourquoi certaines tumeurs ont tendance à essaimer dans des organes particuliers, la théorie de la graine et du sol a été proposée il y a plus d'un siècle par le chirurgien anglais Stephen Paget. Dans cette hypothèse, les lésions métastatiques ne se développent que là où les cellules malignes (graine) trouvent un environnement favorable (sol). Les données suggèrent que les propriétés à la fois des « graines » et du « sol » déterminent si les cellules cancéreuses en train d'essaimer prendront racine.
Une équipe japonaise, dirigée par le Dr Yoshiro Maru (Tokyo Women's Medical University School of Medicine, Japon) a récemment apporté de nouveaux aperçus.
La production de molécules chimio-attractives.
Ils ont montré que des tumeurs primitives peuvent induire dans les poumons prémétastatiques la production de molécules chimio-attractives (S100A8 et S100A9) qui ont pour effet d'attirer un grand nombre de progéniteurs hématopoïétiques, et de favoriser l'invasion des cellules tumorales. Dans une nouvelle étude, l'équipe montre comment les molécules chimio-attractives suscitent l'accumulation cellulaire.
Hiratsuka, Maru et coll. montrent que les molécules chimio-attractives S100A8 et S100A9 induisent l'expression de la protéine sérique amyloïde A 3 (SAA3), laquelle attire directement les cellules myéloïdes vers les poumons prémétastatiques.
La protéine SAA3 induit aussi sa propre sécrétion par un mécanisme de feed-back positif qui est médié par le récepteur TLR4. Ils montrent également que, dans les cellules endothéliales et les macrophages du poumon, le récepteur TLR4 (Toll-Like Receptor 4) agit comme un récepteur fonctionnel pour la protéine SAA3 en phase prémétastatique. La protéine SAA3 stimule, à travers le récepteur TLR4, le signal inflammatoire NF-kB et facilite la métastase. Cet état inflammatoire accélère la migration des cellules tumorales primaires vers les poumons. Mais ce recrutement est supprimé chez la souris par l'inhibition soit du TLR4, soit de SAA3. «Par conséquent, bloquer la fonction SAA3-TLR4 en phase prémétastatique pourrait être une stratégie efficace pour la prévention de la métastase pulmonaire», concluent les chercheurs.
«Le récepteur TLR4, connu pour détecter les organismes pathogènes exogènes, a maintenant des ligands endogènes – S100A8 et SAA3 – qui, de façon intrigante, sont des chimiokines induisant la métastase, explique au “Quotidien” le Dr Yoshiro Maru. SAA3 est son plus fort ligand endogène découvert jusqu'ici, ce qui est une grande surprise. »
«Les macrophages pulmonaires sont stimulés, de manière endocrine (à distance), par des facteurs (VEGF, TNF alfa, TGF bêta) sécrétés par les tumeurs primaires, pour sécréter le S100A8. Celui-ci incite alors les macrophages pulmonaires et les autres cellules pulmonaires à produire la protéine SAA3, de façon paracrine (à proximité). SAA3 s'autostimule de manière autocrine pour sécréter encore plus de SAA3, entraînant une autoamplification, ce qui, je suppose, prépare le sol. La séquence de la cascade endopara-autocrine est la structure», précise-t-il.
L'équipe du Dr Maru a maintenant plusieurs objectifs : «Démontrer cliniquement que le même mécanisme intervient dans la métastase. Découvrir des composés qui inhibent la liaison entre TLR4 et SAA3, sans affecter la liaison de TLR4 au LPS (le ligand exogène de TLR4), en espérant la collaboration d'une compagnie pharmaceutique. Enfin, appliquer cette notion pour découvrir les mécanismes de métastase dans le cerveau, la cavité péritonéale et le foie», confie-t-il.
Hiratsuka et coll. Nature Cell Biology, 29 septembre 2008, DOI : 10.1038/ncb1794.
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