AU SEIN de trois centres du Val-de-Marne (CHU Henri-Mondor, CH intercommunal de Créteil et CHU de Bicêtre), le taux de portage intrafamilial des teignes était de 60 % entre 1998 et 2002. Pour parvenir à ce résultat, les équipes de dermatologie, parasitologie et microbiologie des trois hôpitaux ont mis en place une étude conjointe visant à la fois à décrire les aspects épidémiologiques des teignes et à évaluer l’importance du dépistage intrafamilial dans les fratries atteintes. Les auteurs ont choisi de n’inclure dans l’étude que les patients vus en consultation pour suspicion de teigne et chez qui la culture microbiologique a confirmé la présence de dermatophytes. Ont aussi été inclus dans l’étude, la fratrie et les parents ayant fait l’objet d’un dépistage familial, quel que soit le résultat de la culture. La démarche diagnostique était la même dans les trois centres : examen à la lampe de Wood et prélèvements pour les patients suspects et simple écouvillonnage dans le cadre du dépistage.
Au total, des prélèvements ont été réalisés chez 487 patients; 383 souches de dermatophytes ont été isolées. Dans 71 % des cas, les patients étaient d’origine subsahélienne, ils venaient d’Europe dans 10 % des cas, les autres cas provenaient des Caraïbes ou d’Afrique du Nord. Les enfants étaient beaucoup plus souvent atteints que les adultes (93 % des cas). Les filles étaient légèrement moins souvent atteintes que les garçons (40 contre 60 %). La moyenne d’âge sur les trois centres était de huit ans.
Des dermatophytes anthropophiles.
Parmi les espèces de dermatophytes isolées en culture, la répartition entre anthropophiles, zoophiles et telluriques était identique dans les trois centres : 87 % d’anthropophiles (dont 46 % de Trichophyton soudanense, 33 % de Microsporum langeronii, 5 % de T.violaceum et 3 % de T.tonsurans). Un dépistage familial a été effectué dans deux des trois centres. Au total, ce sont 86 familles qui ont bénéficié de consultations (2 ou 3 personnes par famille, soit un total de 263 sujets). Seulement 21 parents avaient accepté le prélèvement et le dépistage s’est révélé positif pour 5 d’entre eux. Sur les 242 enfants testés, 153 étaient positifs et, dans la grande majorité des cas, il s’agissait de souches anthropophiles. Les auteurs précisent que «la prévalence des teignes du cuir chevelu n’a pas été calculée du fait de l’absence de données informatiques sur l’ensemble des trois centres».
Dans un éditorial, le Dr Thierry Le Guyadec (hôpital Percy, Clamart) explique que «les résultats de cette étude ne sont probablement pas transposables dans les villes les plus rurales et ils sont rassurants puisque l’incidence des cas de teigne reste stable et qu’il n’existe pas d’augmentation notable des infections par T. tonsurans , la forme la plus contagieuse de la maladie et la plus difficile à traiter». Il précise aussi que, «depuis mars 2003, l’éviction scolaire des enfants n’est pas obligatoire s’ils présentent un certificat médical attestant d’une consultation et de la prescription d’un traitement adapté».
Françoise Foulet, Nathalie Curvale-Fauchet, Geneviève Cremer, Alice Pérignon, Patrice Bourée, Elisabeth Estrangin, Jean Revuz, Stéphane Bretagne, Françoise Botterel. « La Presse Médicale », 35, n° 9, pp. 1205-1206, 1231-1235, septembre 2006.
Cent ans
Dans les années 1910, la plupart des teignes diagnostiquées en France étaient anthropophiles – à transmission interhumaine. Elles étaient en rapport avec Microsporum audouinii, Trichophyton tonsurans ou Trichophyton schoenleinii et les cas liés à Microsporum canis étaient très rares. En raison du manque de traitement et de la nécessité d’éviction scolaire des enfants, des écoles spécialisées avaient été créées. Celle de l’hôpital Saint-Louis à Paris, par exemple, a accueilli des enfants jusqu’en 1960. Grâce à l’amélioration du niveau de vie et du fait de la commercialisation de la griséofulvine, les teignes anthropophiles ont peu à peu disparu au profit des teignes zoophiles. En 1970, plus de 80 % des souches isolées correspondaient à M.canis et étaient en rapport avec l’augmentation du nombre des animaux de compagnie. Mais à partir des années 1980, le rapport s’est à nouveau inversé dans les grandes villes. A Paris, par exemple, à partir de cette date, les teignes zoophiles ne représentaient plus que 37 % des cas. Depuis, cette prédominance des teignes anthropophiles ne fait que s’accentuer.
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