BIEN QUE particulièrement invalidantes, les douleurs neuropathiques ( cf. encadré) ont néanmoins aujourd’hui une définition assez « floue ».
Aussi, en pratique, le diagnostic de douleur neuropathique est exclusivement clinique. A cet égard, on peut mentionner le questionnaire DN4 (« Douleur neuropathique en 4 questions »), un outil d’aide au diagnostic conçu et validé par un groupe d’experts français pour faciliter le dépistage des douleurs neuropathiques en pratique clinique quotidienne. Le diagnostic clinique reposant sur des bases cliniques, ce questionnaire qui comporte un total de 10 questions s’appuie exclusivement sur l’interrogatoire des patients et un examen succinct de la sensibilité. Les 7 premières questions visent à préciser les caractéristiques de la douleur ; les 3 autres reposent sur un examen clinique visant à rechercher une hypoesthésie au tact ou à la piqûre et/ou une douleur déclenchée par le frottement (allodynie). Cet outil permet d’établir le diagnostic de douleur neuropathique avec une spécificité de 89,9 % pour un score de 4/10, considéré comme la valeur seuil.
Une étude française, intitulée STOPNEP * (STudy Of Prevalence of NEuropathic Pain), vient d’être réalisée en France afin d’estimer pour la première fois la prévalence des symptômes douloureux neuropathiques en population générale. Cette étude a comporté une première étape de screening et une seconde étape d’approfondissement.
Pour ce faire, un questionnaire autoadministré a été envoyé à un panel de sujets âgés de plus de 15 ans permettant l’identification de la douleur chronique (définie comme une douleur quotidienne de plus de trois mois) et la douleur neuropathique sur la base du questionnaire DN4. Ce questionnaire initial a été envoyé à plus de 30 000 sujets et 23 712 ont pu être analysés. Les résultats de la première étape de cette étude (étape de screening qui visait à évaluer la prévalence des douleurs neuropathiques en population générale) ont été présentés lors des Entretiens de Bichat permettant de mieux connaître les douleurs neuropathiques.
Selon cette enquête, près de quatre patients sur dix souffrent quotidiennement (37,6 %) et près d’un patient sur trois présente une douleur chronique quotidienne (31,7 %). Cette douleur chronique quotidienne est plus fréquente chez la femme (35 %) que chez l’homme (28 %). Plus d’un patient âgé sur deux est douloureux (52,4 % après 75 ans). Lorsque l’on considère l’intensité de la douleur, la prévalence rejoint les chiffres de la littérature (20 %) avec 19,9 % de sujets présentant des douleurs modérées à sévères.
Selon le questionnaire DN4, parmi ces patients douloureux chroniques, 7 % des patients rapportent des douleurs ayant des caractéristiques neuropathiques (8,4 % des femmes et 5,6 % des hommes) ; cette prévalence augmente avec l’âge (8,4 % entre 50 et 64 ans). La prévalence est à peu près identique selon les régions françaises bien que l’on retrouve moins de douleurs neuropathiques en région parisienne (5,1 %) qu’en région rurale (7,8 %).
Les agriculteurs et les ouvriers deux fois plus souvent que les cadres.
Par ailleurs, il semble exister un profil sociodémographique de ces douleurs, les agriculteurs et les ouvriers étant deux fois plus touchés que les cadres (rôle du travail manuel). En ce qui concerne l’intensité, la prévalence des douleurs modérées à sévères est de 5,1 % ; de plus, ces douleurs sont plus chroniques que les autres. La localisation la plus fréquente de ces douleurs est représentée par le dos et les membres inférieurs ; 78,4 % des patients de cette étude rapportent plus d’une localisation (dos plus ou moins membre inférieur : 46,8 % ; cou plus ou moins membre supérieur : 29 %). En cours d’analyse, les résultats de la deuxième étape de cette enquête devraient permettre d’apprécier le retentissement des douleurs neuropathiques sur la qualité de vie, sur les comorbidités et de mieux connaître la prise en charge.
*D. Bouhassira, M. Lanteri-Minet, N. Attal et B. Laurent. Entretiens de Bichat.
Une grande richesse d’expression sémiologique
Les douleurs neuropathiques se caractérisent par leur grande richesse d’expression sur le plan sémiologique. Les patients peuvent se plaindre de douleurs spontanées continues (brûlures, sensations douloureuses de froid...) ou paroxystiques (décharges électriques, coup de couteau...), souvent associées à des douleurs provoquées par des stimulations mécaniques (frottement, pression légère) ou thermiques de faible intensité, appelées « allodynie » (douleur évoquée par des stimulations normalement non douloureuses) ou « hyperalgésie » (augmentation de la douleur évoquée par des stimulations normalement faiblement douloureuses).
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