Du nouveau dans l'Alzheimer

Une phospholipase comme cible thérapeutique

Publié le 20/10/2008
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LES SOURIS transgéniques portant dans leurs neurones la mutation humaine de l'APP (souris hAPP) présentent avec l'âge des déficits de l'apprentissage et de la mémoire, des troubles du comportement et un décès prématuré. Les peptides amyloïdes bêta, libérés par le clivage de l'APP, sont responsables de ces déficits, mais les mécanismes exacts ne sont pas complètement élucidés.

Les acides gras essentiels – qui sont incorporés dans les phospholipides composant les membranes neurales et sont libérés à partir de ces phospholipides par la phospholipase A2 – pourraient participer à la pathogenèse de la maladie d'Alzheimer, mais leur contribution reste incertaine. Ainsi, une modification de l'apport alimentaire des acides gras essentiels (augmentation des oméga 3) peut moduler les symptômes chez la souris hAPP et pourrait peut-être améliorer la cognition et la progression de la maladie d'Alzheimer chez les patients.

«Nous voulions en savoir plus sur le rôle potentiel des lipides et des acides gras dans la maladie d'Alzheimer», déclare dans un communiqué le Dr Lennart Mucke, directeur du Gladstone Institute of Neurological Disease (San Francisco). L'étude est publiée dans la revue « Nature Neuroscience ».

Augmentation de l'acide arachidonique.

Les chercheurs ont utilisé une approche lipidomique non biaisée. Ils ont analysé le profil d'une quarantaine d'acides gras dans le cerveau (hippocampe et cortex) de souris modèles de la maladie d'Alzheimer (souris hAPP), et l'ont comparé au profil des souris normales.

«Le changement le plus frappant que nous ayons découvert est une augmentation d'acide arachidonique et de ses métabolites dans l'hippocampe des souris “Alzheimer», déclare le Dr Rene Sanchez-Mejia, premier cosignataire de l'étude. L'hippocampe, rappelle-t-elle, est «un centre de la mémoire qui est affecté précocement et sévèrement dans la maladie d'Alzheimer».

Cela suggérait une augmentation de l'activité de l'isoforme du groupe IV de la phospholipase A2 (GIVA-PLA2). Cette enzyme libère en effet l'acide arachidonique à partir des phospholipides membranaires du cerveau.

L'amyloïde bêta 1-42 active GIVA-PLA2.

L'équipe a alors découvert que les taux hippocampiques de l'enzyme GIVA-PLA2 activée sont augmentés aussi bien chez les patients atteints de maladie d'Alzheimer que chez les souris hAPP. Ils montrent que, dans des cultures de neurones, l'amyloïde bêta 1-42 (forme toxique) extracellulaire est suffisante pour provoquer une activation de l'enzyme GIVA-PLA2 (en augmentant sa phosphorylation). Et, toujours in vitro, l'inhibition de l'enzyme GIVA-PLA2 diminue la neurotoxicité induite par l'amyloïde bêta 1-42.

Enfin, in vivo, chez la souris hAPP, l'ablation ou la réduction génétique de l'enzyme GIVA-PLA2 est bien tolérée et protège efficacement les souris contre les déficits cognitifs, les troubles du comportement et la mort prématurée.

Cela est observé sans qu'il y ait pour autant modification des dépôts d'amyloïde bêta ; ce qui suggère que la réduction de GIVA-PLA2 atténue les anomalies en aval de la production et du dépôt d'amyloïde bêta.

Par conséquent, concluent les chercheurs, «l'inhibition de l'enzyme GIVA-PLA2 pourrait être bénéfique dans le traitement et la prévention de la maladie d'Alzheimer».

Sanchez-Mejia et coll., « Nature Neuroscience », 19 octobre 2008, DOI : 10.1038/nn.2213.

> Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8444