De notre correspondant
PEU DÉVELOPPÉES en France, du moins pour le moment, les importations parallèles de médicaments, une activité tout à fait légale, consistent à acheter dans un pays donné, au prix du marché local, une spécialité pharmaceutique pour la revendre dans un autre pays, où son prix est plus cher. Cette pratique, rendue possible par différentes contradictions de la politique de libre circulation du médicament en Europe, s'est particulièrement développée depuis cinq ans, au point de concerner, selon la Fédération européenne des associations de l'industrie pharmaceutique (Efpia), près de 5 % du marché total des médicaments en Europe.
Concrètement, un trader, disposant d'une licence de grossiste dans son pays, va acheter dans un pays bon marché - essentiellement la Grèce, mais aussi l'Espagne ou le Portugal, voire des pays de l'Est -, des médicaments produits dans l'Union européenne. Il lui suffit alors de les reconditionner selon les normes du pays de destination pour les revendre dans ce dernier, le plus souvent à d'autres grossistes. Actuellement, près de 20 % des médicaments vendus au Royaume-Uni proviennent d'importations parallèles, et cette proportion atteint 14 % aux Pays-Bas, 10 % en Suède et au Danemark et 7 % en Allemagne. Du fait de ses prix très bas, la Grèce est devenue le plus gros exportateur de médicaments parallèles : aujourd'hui, près de 22 % des médicaments vendus en Grèce repartent dans d'autres pays européens par ce canal. En outre, et bien que ce soit dans ce cas là tout à fait illégal, de plus en plus de grossistes achètent, en parallèle, des médicaments dans des pays non européens.
Polémique sur les bénéfices.
L'industrie pharmaceutique proteste depuis des années contre ces pratiques qui lui font perdre, dit-elle, 5 milliards d'euros par an, pertes qui se répercuteraient sur ses capacités de recherche et de développement. A l'inverse, le leader européen des importations parallèles, le grossiste allemand Kohl Pharma, a réalisé par exemple en 2003 un chiffre d'affaires de près de 800 millions d'euros. Depuis cet automne, une polémique par voie de presse oppose l'Efpia à l'association européenne des importateurs parallèles, au sujet des bénéfices de ce commerce. Les importateurs soulignent que leur activité contribue à harmoniser les prix, et bénéficie aussi bien aux patients, qui paient leurs médicaments moins chers, qu'aux systèmes de Sécurité sociale et aux pharmaciens. Se fondant sur une étude indépendante, l'Efpia rétorque que les importations, loin d'être des actes philanthropiques, profitent presque exclusivement aux traders eux-mêmes. Ainsi, le National Health Service britannique ne réalise que 0,3 % d'économies sur ses dépenses pharmaceutiques, alors que les importateurs gagnent 54 % du prix du médicament importé depuis un pays bon marché. Aux Pays-Bas, le bénéfice pour les caisses maladie est de 2 %, mais de 51 % pour l'importateur. La différence de prix est quasi nulle pour les patients, dès lors que les prix de vente sont fixés par chaque pays ; de même, seuls les pharmaciens norvégiens et hollandais réalisent un léger bénéfice en vendant des produits parallèles plutôt que nationaux.
Risques sanitaires.
Par ailleurs, l'Efpia souligne les risques sanitaires que font courir les importations parallèles aux patients : en reconditionnant les produits, mais aussi en les faisant circuler d'une manière souvent incontrôlée à travers l'Europe, les traders mettent en péril la chaîne de qualité, mais aussi la traçabilité des médicaments, et facilitent la pénétration des contrefaçons en Europe. De plus, toujours selon les industriels, les pays « exportateurs », dont la Grèce, commencent à souffrir de pénuries de certains médicaments, revendus en trop grande quantité dans les pays « chers ».
« Nous souhaitons que la Commission européenne, à l'heure où elle parle de relancer la croissance par l'innovation, prenne enfin conscience du frein que représentent les importations parallèles pour la recherche », souligne une fois de plus l'Efpia, qui rappelle que « le médicament ne peut être considéré comme une marchandise ordinaire, et doit faire l'objet de règles spécifiques, y compris en matière de concurrence ».
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