De nombreuses études ont évalué l'efficacité des traitements disponibles dans le cancer colo-rectal métastatique, mais très peu se sont véritablement intéressées à la possibilité d'une pause thérapeutique permettant au patient de « souffler » et de limiter la toxicité du traitement. D'où l'intérêt de l'étude OPTIMOX 2, présentée par le Dr Gérard Lledo, qui montre la faisabilité de cette approche chez les patients ayant un bon pronostic.
EN CAS de cancer colo-rectal métastatique, les patients sont classiquement traités jusqu'à progression tumorale ou toxicité inacceptable. Mais, depuis que les survies se sont allongées, cette chimiothérapie prolongée se révèle particulièrement difficile à supporter, notamment en raison de l'altération manifeste de la qualité de vie liée aux contraintes physiques et psychologiques des traitements et à leurs toxicités.
Une pause thérapeutique est-elle acceptable ?
L'étude OPTIMOX 2, menée par le Gercor (groupe coopérateur multidisciplinaire en oncologie), s'est fixé pour objectif d'évaluer l'intérêt d'une pause thérapeutique. Il s'agit d'une étude randomisée de phase II, randomisée, multicentrique, ayant inclus 202 patients issus de douze centres, atteints d'un cancer colo-rectal métastatique et n'ayant jamais reçu de chimiothérapie. Ils ont été répartis de façon aléatoire en deux groupes. Dans le premier, schéma OPTIMOX 1* ou « maintenance », les patients ont reçu une chimiothérapie d'induction, suivie, en cas de réponse objective ou de stabilité tumorale, d'un traitement de maintenance plus « léger ». Dans le second schéma, OPTIMOX 2 ou « pause », la chimiothérapie d'induction a été suivie, toujours en cas de réponse objective ou de stabilité tumorale, d'une pause thérapeutique complète, sans chimiothérapie de maintenance. Une réponse objective était définie par une diminution d'au moins 30 % de la masse tumorale initiale, alors que la stabilité tumorale correspondait à une variation de la masse initiale comprise entre - 30 et + 20 %.
Dans cette étude, les réponses étaient évaluées après quatre et six cycles, puis tous les deux mois. La survie sans progression et le temps de contrôle de la maladie n'ont pas différé de façon significative entre les deux groupes. Seule la survie sans progression a été meilleure avec le traitement de maintenance (8,7 mois, contre 6,9), sans atteindre cependant la significativité, mais le temps de contrôle de la maladie est resté comparable dans les deux bras, rendant, de fait, les pauses thérapeutiques possibles, en particulier chez les patients sans facteurs de mauvais pronostic.
La durée moyenne de la pause thérapeutique a été de 4,6 mois. Cependant, il faut souligner que les patients qui avaient au départ des critères de mauvais pronostic – état général altéré, plus de deux sites métastatiques, taux de LHD et de phosphatases alcalines élevés – n'ont pu avoir qu'une pause de durée limitée, alors qu'elle a été de 8 mois chez les patients qui n'avaient pas de facteurs de mauvais pronostic.
Les données de survie globale ne sont pas exploitables actuellement. Elles seront présentées au congrès de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) qui aura lieu en juin prochain à Chicago. Cependant, il semble dès à présent possible de proposer une pause thérapeutique aux sujets qui ont initialement un bon pronostic, en pratiquant un bilan d'évaluation tumorale bimestriel. Les sujets qui ont des facteurs de mauvais pronostic peuvent, en attendant les résultats définitifs, avoir un traitement de maintenance.
Enfin, globalement, d'après l'avis forcément subjectif de certains investigateurs, il semble que la pause ait été bien accueillie après les trois mois de chimiothérapie d'induction, permettant aux patients de récupérer des toxicités chimio-induites et d'accomplir certains projets personnels ou familiaux.
La surveillance requise pendant la pause thérapeutique est très importante, puisqu'elle permet de reprendre le traitement initial dès que la masse tumorale retrouve une valeur proche de l'état initial. Elle comprend un examen clinique, un bilan biologique et un scanner thoraco-abdomino-pelvien tous les deux mois. En outre, il s'agit d'un élément qui rassure beaucoup les patients durant la pause !
OPTIMOX 3 en début de recrutement.
Une troisième étude, OPTIMOX 3, a été mise en route. Seule la phase de faisabilité a été menée à terme auprès de 40 patients sur un effectif prévu de 600. Les résultats ne seront donc pas connus, au mieux, avant trois ans. Toujours chez les patients atteints d'un cancer colo-rectal métastatique non prétraité, après une réponse ou une stabilité tumorale induite par un schéma à base de 5-FU (oral ou I.V.), d'oxaliplatine et de bévacizumab (seul antiangiogénique commercialisé), OPTIMOX 3 se propose d'étudier un traitement de maintenance par le bévacizumab associé, chez un malade sur deux, à l'erlotinib, un inhibiteur oral du récepteur de l'EGF, l'un des principaux facteurs de croissance tumorale. Il s'agit donc d'une alternative à la pause thérapeutique et au maintien d'une chimiothérapie cytotoxique. « Nous espérons ainsi conserver pratiquement les avantages de la pause en termes de qualité de vie, tout en augmentant probablement sa durée grâce aux thérapies ciblées», conclut le Dr Lledo.
D'après un entretien avec le Dr Gérard Lledo, clinique Saint-Jean, Lyon, membre du Gercor.
* OPTIMOX 1 : A Randomized Study of FOLFOX4 or FOLFOX7 with Oxaliplatin in a stop-and-go fashion in a advanced colorectal cancer, a GERCOR study. Tournigand C et coll., « J Clin Oncol », 2006 ; 24 : 394-400
OPTIMOX 1
L'étude OPTIMOX 1 a montré qu'il est possible, sans compromettre la survie, de proposer 6 cycles d'une chimiothérapie « lourde » par Folfox 7 modifié (oxaliplatine, acide folinique et 5-FU I.V.), pour induire une réponse tumorale ou une stabilité, puis de poursuivre avec un traitement de maintenance simple et peu toxique par LV5-FU2 simplifié (acide folinique et 5-FU I.V.).
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