Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI), appelés aussi syndrome de l'intestin irritable ou colopathie fonctionnelle, occupent la première place des affections intestinales. Selon les études, ils affecteraient de 15 à 20 % de la population avec une nette prédominance féminine : le sex-ratio H/F est de un demi à un tiers. Ils débutent généralement au cours de la troisième ou quatrième décennie, dans 50 % des cas avant 35 ans, dans 40 % des cas entre 35 et 50 ans.
Contrairement à des idées reçues encore largement répandues, non seulement dans la population mais aussi dans le milieu médical, il s'agit d'une authentique pathologie dont le coût et les répercussions sociales sont élevés.
Leur mécanisme physiopathologique est maintenant mieux connu. Des études expérimentales ayant fait appel à des tests de distension intestinale intraluminale ont montré que les patients souffrant de TFI ont des seuils de perception, d'inconfort et de besoin plus bas que ceux des témoins. Cette affection est caractérisée par des troubles de la viscéroperception avec une hypersensibilité viscérale diffuse de tout le tube digestif. Des phénomènes inflammatoires pourraient s'y ajouter ; ainsi, certains patients ont vu leurs troubles commencer au décours d'un épisode de gastro-entérite. Les troubles de la motricité, considérés autrefois comme le facteur dominant, seraient l'expression musculaire de l'hypersensibilité primitive. Quant aux facteurs psychologiques, anxiété et stress, ils interviennent certainement par leur effet modulateur de la viscéroperception.
Une symptomatologie caractéristique
Le diagnostic repose sur des éléments cliniques bien établis. Il comporte au premier plan des douleurs abdominales diffuses ou localisées, de topographie variable, mais prédominant souvent au niveau des fosses iliaques et de l'hypogastre. Leur intensité est également variable, pouvant parfois aller jusqu'à prendre une allure pseudochirurgicale. Leur survenue postprandiale constitue souvent l'une des caractéristiques des TFI, les douleurs sont en effet très rares la nuit, l'existence de manifestations douloureuses nocturnes devant d'ailleurs orienter le praticien vers une origine organique. Autre signe distinctif, les douleurs sont soulagées par l'émission de gaz ou de selles. Le deuxième signe clinique est la distension ou le ballonnement abdominal, généralisé ou localisé à un angle colique, généralement postprandial ou vespéral, associé ou non à un météorisme objectif et à des borborygmes et également soulagé par l'émission de gaz ou d'éructations. Troisième symptôme : les troubles du transit, dominés soit par une constipation, soit par l'alternance de diarrhée et de constipation, parfois par une diarrhée motrice avec évacuation impérieuse de selles molles le matin, en période postprandiale ou au décours d'un stress. La constipation est quant à elle définie par moins de trois selles par semaine et l'émission de selles dures et fragmentées. Dans le contexte des TFI, elle est parfois entrecoupée de débâcles de fausse diarrhée spontanée correspondant à une hypersécrétion réactionnelle à la stase fécale.
Un diagnostic d'élimination
Douleurs et ballonnements abdominaux et troubles du transit sont le plus souvent associés à des degrés variables et évoluent de façon chronique ou par épisodes aigus. D'autres manifestations peuvent compléter le tableau clinique : des nausées, une mauvaise haleine, un syndrome dyspeptique, des éructations, ou des signes extradigestifs, notamment des migraines ou une dysménorrhée et des manifestations psychologiques à type d'émotivité ou d'anxiété.
Comme le souligne le Dr Tennenbaum, les TFI restent un diagnostic d'élimination. L'examen clinique est en règle normal, en dehors d'un éventuel météorisme, et il n'existe pas d'altération de l'état général. Une symptomatologie importante chez un sujet jeune, doit faire éliminer une entéropathie inflammatoire et chez un sujet âgé, auparavant indemne de troubles digestifs, il convient d'évoquer un cancer du côlon. Mais, dans la majorité des cas, en présence de tous les critères précédemment décrits et en l'absence d'antécédents familiaux, aucune investigation paraclinique n'est nécessaire.
Les TFI évoluent par poussées de quelques semaines ou quelques mois. L'évolution favorable à court terme s'explique surtout par l'effet placebo qui peut atteindre 50 à 60 %, et qui dépend non pas tant du patient que du médecin... Un traitement pharmacologique est néanmoins recommandé dans les formes modérées à sévères. Il comprend des fibres alimentaires ou des mucilages qui, par leur pouvoir hygroscopique, normalisent le transit intestinal ; les mucilages sont préférés aux fibres en cas de météorisme, car ils entraînent moins de fermentation. Au début du traitement, il faut y associer des antispasmodiques. Contre les ballonnements et les gaz, aux conseils diététiques - éviter les aliments fermentescibles comme les artichauts ou les haricots blancs et les boissons gazeuses -, on peut adjoindre de la diméticone ou ses dérivés ou du charbon activé. L'hypnose, l'acupuncture et la relaxation n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité.
Les nouvelles pistes thérapeutiques
Les progrès des connaissances sur les relations entre le système nerveux central et l'intestin ont permis de reconnaître le rôle de nombreux neurotransmetteurs dans la transmission des sensations d'origine digestive et le contrôle des fonctions digestives, motrice et sécrétoire. Par ailleurs, le rôle de l'hypersensibilité viscérale dans la genèse des douleurs abdominales a attiré l'attention sur les voies nerveuses afférentes. Plusieurs nouvelles classes de médicaments ont été développées au cours de la dernière décennie sur la base de ces travaux, dont certaines molécules sont aujourd'hui proches de la mise sur le marché. Les récepteurs de la sérotonine ont été particulièrement étudiés (antagonistes des récepteurs 5HT3 et 5HT4, alosétron, prucalopride, tegaserod, agoniste partiel des récepteurs 5HT4, et la fédotozine).
D'après un entretien avec le Dr Ruth Tennenbaum, gastro-entérologue au CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et au centre hospitalier privé du Montgardé, Aubergenville.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature