Constipation chronique

Une origine fonctionnelle 9 fois sur 10

Publié le 19/03/2006
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Journées francophones de pathologie digestive18-22 mars 2006, Paris, Palais des Congrès

LA CONSTIPATION chronique de l’adulte est un problème très fréquent en médecine générale, sa définition est toujours discutée malgré la publication des critères de ROME II. Sa prise en charge est souvent négligée et nécessite parfois des explorations complémentaires effectuées par les gastro- entérologues.

Dans cette recommandation, la définition repose sur un accord professionnel :

– Insatisfaction lors de la défécation ;

– moins de trois selles par semaine ;

– difficultés à exonérer :

• efforts de poussée,

• sensation de gêne au passage des selles,

• sensation d’évacuation incomplète,

• temps d’exonération très prolongé,

• manoeuvres digitales ;

– émission de selles dures ;

– fausse diarrhée ;

– depuis au moins six mois.

Une fois la constipation chronique définie, il faut mener un interrogatoire et un examen clinique complets pour se donner les moyens d’éliminer une cause organique et pouvoir dire que la constipation est d’origine fonctionnelle, ce qui est le cas au moins neuf fois sur dix.

Le TR est fortement recommandé.

Les données sont suffisantes dans la littérature pour recommander (grade A) la réalisation d’un toucher rectal devant une constipation chronique. Le TR constate l’absence ou la présence de selles, apprécie le tonus sphinctérien, la relaxation des muscles du plancher pelvien lors des efforts de poussée, la présence d’une rectocèle…

Les malades posent souvent la question : est-ce que la constipation est un facteur de risque du cancer du côlon ? La réponse est non (grade A). La constipation peut favoriser la survenue d’une pathologie hémorroïdaire (grade B) ; en revanche, les hémorroïdes ne favorisent pas la constipation (grade B). Les efforts de poussée contribuent à l’affaiblissement du plancher pelvien, et à l’apparition d’une neuropathie d’étirement ; en conséquence, la constipation chronique peut favoriser le développement d’une incontinence anale (grade A).

La crainte du cancer du côlon.

Avant de dire qu’une constipation est purement fonctionnelle, il faut éliminer une pathologie organique et la crainte essentielle reste le cancer du côlon. Il faut identifier des signes d’alarme généraux comme une altération de l’état général, une perte de poids, l’apparition d’une fièvre, des signes attribuables à une origine digestive comme des rectorragies, des pertes de sang, une anémie, des modifications durables du caractère de la constipation, l’apparition de signes digestifs inhabituels ou la résistance de la constipation à un traitement actuellement efficace (accord professionnel qui renvoie à la recommandation : « Endoscopies digestives basses : indications en dehors du dépistage en population ». Anaes 2004).

Pas d’exploration systématique en première intention.

Ce n’est pas la peine d’effectuer systématiquement des examens biologiques complémentaires chez un constipé chronique qui consulte pour la première fois ; en revanche, si la constipation persiste, on peut recommander un bilan biologique comportant glycémie, calcémie, hémogramme avec CRP, créatinine et TSH (accord professionnel et recommandation grade C).

La coloscopie n’est pas non plus recommandée en première intention chez tous les malades qui consultent pour une constipation chronique (recommandation forte de grade A).

Le lavement baryté n’est pas recommandé, la coloscopie virtuelle, pour l’instant, n’a pas d’intérêt démontré.

La manométrie ano-rectale, le test d’expulsion du ballonnet, le temps de transit colique aux marqueurs radio-opaques, la défécographie et l’IRM fonctionnelle ne sont indiqués qu’en seconde intention chez certains malades qui ne sont pas améliorés par une prise en charge thérapeutique initiale et/ou lorsqu’une intervention chirurgicale est envisagée. Plus que les résultats isolés d’une exploration, c’est la confrontation des différents examens complémentaires avec la clinique qui permet une amélioration de la prise en charge des patients présentant une constipation chronique.

Le traitement de la constipation chronique vise à soulager les symptômes et à prévenir les complications.

Les conseils défécatoires sont recommandés et doivent être adaptés individuellement :

– répondre à la sensation de besoin ;

– conserver un rythme régulier de défécation ;

– respecter une durée suffisante pour satisfaire le besoin ;

– respecter une intimité auditive, visuelle et olfactive dans la mesure du possible ;

– favoriser la position assise qui permet d’accentuer l’ouverture de l’angle ano-rectal.

Augmenter la consommation de fibres.

Les données disponibles indiquent que l’augmentation de la ration hydrique quotidienne ne modifie pas significativement la fréquence et la consistance des selles. Donc, il est inutile de recommander à toutes les femmes de boire 2 l d’eau par jour pour favoriser le transit.

L’effet bénéfique de l’activité physique est controversé dans la littérature ; elle reste recommandée dans un contexte général d’amélioration de la qualité de vie et pas dans le seul objectif d’améliorer le transit.

La consommation de fibres est recommandée ; elle permet d’augmenter la fréquence des selles, d’améliorer leur consistance et, souvent, de diminuer la consommation de laxatifs.

Des laxatifs de lest.

Pour ce qui est des laxatifs, les laxatifs de lest sont recommandés alors que les laxatifs stimulants peuvent être recommandés en médication de secours ou en deuxième intention.

En l’état actuel de nos connaissances, l’utilisation de laxatifs irritants aux doses habituellement recommandées sur de longues périodes n’a pas d’effet carcinogène sur le côlon.

Parmi les autres possibilités thérapeutiques, le bio-feedback peut être utile dans le traitement de la constipation chronique de l’adulte, bien que la preuve scientifique de son efficacité ne soit pas formellement établie.

Un traitement chirurgical peut être recommandé (grade C) en cas de rectocèle importante et rattachée de façon formelle à la constipation en sachant que ce traitement chirurgical doit être associé à une prise en charge globale, pluridisciplinaire des autres troubles de la statique pelvienne fréquemment associés.

D’après un entretien avec le Pr Michel Dapoigny, Hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand.

> Dr FRANÇOISE BLOCH-JANIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7922