Théâtre
Récemment, nous avons parlé de « Platonov », la première tentative dramatique du très jeune Anton Tchekhov. « Ivanov » est de quelques années postérieure, mais ce fut, en 1887, sa première pièce créée. Il la reprit deux ans plus tard, sensible à certaines remarques qui lui avaient été faites, par-delà le grand succès qu’elle obtint.
Luc Bondy la met en scène dans un décor majestueux de Richard Peduzzi et des lumières de Bertrand Couderc. Le directeur de l’Odéon s’est peu souvent confronté à Tchekhov : « Platonov » en 1978 (travail peu convaincant, selon lui) et, il y a treize ans, « la Mouette », qui lui valut le prix Stanislawski. Il aborde « Ivanov » fort de sa maturité de directeur d’acteurs et relit Tchekhov à la lumière des deux autres auteurs qu’il considère comme les plus clairvoyants et puissants de tout le répertoire, Shakespeare et Beckett. Attention, c’est une réflexion en profondeur, qui ne donne que plus de force et d’émotion à la représentation. Le spectacle est éblouissant par la manière dont Luc Bondy sait à la fois orchestrer des scènes de groupe et les scènes intimes.
Ivanov, le « héros », est un homme d’à peine 35 ans qui ne trouve plus aucun sens à sa vie et ne comprend pas ce qui lui arrive. Le jeune docteur Tchekhov (il a terminé ses études de médecine) est d’une lucidité confondante. Il connaît l’âme humaine et la collection des personnages, dans ce petit district du centre de la Russie, est un échantillon bouleversant. La pièce est terrible : Ivanov (Micha Lescot) a épousé Sarah Abramson (Marina Hands), une jeune femme de culture juive que ses parents ne veulent plus voir. Depuis cinq ans, elle vit dans la maison et n’a pour compagnon régulier qu’un vieil oncle maternel de son mari, le comte Chabelski (Ariel Garcia-Valdès), et le médecin (Yanick Landrein) qui la soigne. Elle est tuberculeuse et elle va mourir, tandis qu’Ivanov se montre d’une cruauté épouvantable à son égard et se laisse séduire par une jeune fille exaltée, Sacha (Victoire Du Bois).
Les parents, les proches, les pique-assiette, les belles veuves, les radines et les marieuses, tout un petit monde se bouscule. Un mot revient sans cesse : l’ennui. Ce qui est époustouflant ici, c’est que le moindre protagoniste est interprété par un comédien de haut talent. Cela donne un spectacle exaltant, profond et d’une beauté saisissante.
On se concentre sur l’étrange personnage d’Ivanov et Micha Lescot, comédien que Luc Bondy a souvent dirigé, est fascinant dans ce qu’il laisse sourdre de désarroi, de désespoir, de complexité. Mais ici, tous les acteurs sont prodigieux et la représentation passionnante.
Théâtre de l’Odéon, à 20 heures du mardi au samedi, à 15 heures le dimanche. Durée : 2 heures, entracte, puis 50 minutes. Jusqu’au 1er mars puis du 7 avril au 3 mai. Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature