DANS LE COURANT de 2008, une nouvelle sanction va voir le jour pourles usagers de cannabis. Ceux qui seront interpellés pour la première fois par les forces de l'ordre seront contraints de suivre «des stages de prévention contre le cannabis». Pendant deux jours, «des éducateurs spécialisés, des psychologues et des responsables de la Prévention routière» leur parleront des dangers pour la santé et au volant de la «fumette». Il en coûtera aux contrevenants 450 euros au maximum, soit une contravention de troisième classe. Pour les mineurs, la somme sera exigée des parents.
La disposition, prévue dans un décret paru le 26 septembre, s'inscrit dans la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007. Etienne Apaire, le nouveau président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), évoque, dans un entretien au « Parisien », une «procédure rapide et des sanctions plus pédagogiques pour éviter l'engorgement des tribunaux». Chaque année, quelque 90 000 personnes sont interpellées pour usage de cannabis et 5 000 infractions au volant liées au produit sont relevées (les peines prévues par la loi du 3 février 2003 pouvant aller jusqu'à deux ans de prison et 4 500 euros d'amende). Si le stage est négligé, l'auteur du délit s'expose à des poursuites judiciaires, laisse entendre implicitement le législateur.
Le Centre d'information régional sur les drogues et dépendances d'Ile-de-France élabore actuellement un module de formation pour les préventologues qui seront habilités à faire la leçon aux fumeurs de joints pris en flagrant délit.
L'injonction préventive gratuite, ça existe.
«Tout dispositif permettant à l'usager de drogue de prendre du recul par rapport à sa consommation est bonne à saisir, dit au “Quotidien” le Dr Philippe Binder, président de Médecine générale et conduites addictives. En revanche, les 450euros vont rendre l'opération difficile à mettre en oeuvre, sachant que lamajorité des personnes concernées ne sont pas solvables.» Les usagers réguliers, principalement des 15-35 ans, se recrutent, entre autres, chez les étudiants (6 % d'entre eux), les chômeurs (6 %), les ouvriers (3 %) et les employés (1 %).
Quoi qu'il en soit, l'idée n'est pas nouvelle. A Rochefort, dans la Charente-Maritime, le Dr Binder participe en milieu hospitalier à une consultation sur le cannabis où il voit de temps en temps des fumeurs de cannabis adressés par le délégué du procureur, après une première interpellation, pour « une injonction préventive ». Cela se fait également, toujours dans le cadre de la gratuité, à Synergie 17, un centre spécialisé de soins aux toxicomanes (CSST), à Saintes. Le patient est tenu de se présenter à trois rendez-vous d'une heure, sur une période de huit à douze semaines, au cours desquelles le praticien, ou un psychologue dans le cas du CSST, s'emploie à faire rechercher le pourquoi de la toxicomanie et à mettre en avant les risques encourus*. Une demande volontaire de prise en charge peut s'ensuivre. Si l'« injonction préventive » n'est pas respectée, des poursuites pénales sont engagées.
Une sanction utile.
«A l'instar de la lutte contre le dopage ou l'insécurité routière, il semble utile de provoquer des rencontres obligées pour aider les personnes en infraction qui n'ont jamais eu de contact avec des structures de santé à faire des choix éclairés», estime le Pr Philippe-Jean Parquet, psychiatre et président de la commission de validité des outils de prévention de la MILDT. «L'objectif n'est pas le soin, mais l'information par l'éducation à la santé», précise-t-il.
Le Comité national d'information sur la drogue (CNID)**, quant à lui, met à la disposition de la MILDT ses 600 « préventeurs », ou formateurs en prévention, issus du monde médical, du corps enseignant et des parents d'élèves. «Les stages annoncés, à travers un langage accessible et accepté, excluant tout ton péremptoire, doivent être l'occasion, tout d'abord, de faire un rappel à la loi, explique au “Quotidien” son président, le Dr Michel Gortchakoff. Ensuite, il convient de mettre en garde les jeunes contre l'esprit de défonce qui les anime. Le cannabis perturbe de façon artificielle le centre du plaisir. Et, stocké dans les graisses –ce qui n'est pas sans danger au volant–, il continue à produire des effets de quatre à huit jours après le dernier joint.»
Patrick Mura (Poitiers), président de la Société française de toxicologie, membre de l'Académie de pharmacie, voit lui dans la nouvelle mesure «une sanction utile» à partir du moment où elle va conduire la personne à s'impliquer dans une démarche thérapeutique car l'usage de cannabis «entraîne une véritable addiction».
Pour sa part, Didier Touzeau, psychiatre, chef de service de la clinique Liberté (CSST) à Bagneux, dans les Hauts-de-Seine, n'entend pas participer à ce qu'il considère comme une «consultation répressive». Membre du comité scientifique de la MILDT, il ne cache pas sa désapprobation, au même titre que l'Association des usagers de drogue (ASUD). Selon ASUD, «le gouvernementmarque sa volonté de durcir le ton et de faire table rase de la politique de réduction des risques, alors qu'avec l'alcool il existe un seuil de tolérance».
L'air du temps, en dépit de l'évolution des comportements et des moeurs, n'est plus à la culture du cannabis. Seul le vin demeure un «bien culturel», tous les ministres de la Santé de la Ve République n'ont jamais raté une occasion de le rappeler.
* L'injonction préventive , mise en place en 2002 dans la Charente-Maritime, existe sous d'autres dénominations ailleurs, résultant de partenariats entre les parquets et les CSST.
** Le CNID, créé en 1979 par le Pr Paul Lechat, ex-président de l'Académie de médecine, a pour vice-président le Dr Léon Hovnanian. Connu pour son combat contre les drogues douces, il se fait l'écho, entre autres, de la pensée du Pr Jean Costentin, membre des académies de médecine et de pharmacie, auteur de « Halte au cannabis » (Odile Jacob, 2006).
Fumer un joint reste un délit

La loi du 31 décembre 1970 punit d'un an de prison et de 3 750 euros d'amende au maximum les usagers de drogue. En outre, « vendre ou offrir des produits stupéfiants, même en petite quantité, est assimilé à du trafic, passible de 5 ans de prison et de 45 000 euros d'amende au maximum ».
Quelques chiffres
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