PRATIQUE
L'OBSERVATION
Douleur au niveau d'une varice
Une femme de 68 ans consulte son médecin traitant pour une douleur de la portion moyenne de la face antéro-interne du mollet gauche, au niveau d'une varice. Cette symptomatologie a débuté il y a environ une semaine. Il s'agit d'une patiente variqueuse qui n'a jamais été traitée pour ce problème. Par ailleurs, elle a une HTA, traitée et équilibrée par un IEC, et une discrète surcharge pondérale. A noter une hérédité familiale variqueuse mais pas d'antécédents personnels ou familiaux de maladie thromboembolique veineuse (MTEV).
A l'examen clinique, il existe un trajet variqueux douloureux et induré au niveau du mollet gauche. Devant ce tableau, le médecin consulté prescrit une HBPM à titre préventif et un AINS local.
Huit jours plus tard, la patiente consulte à nouveau car, malgré ce traitement, l'induration qui était localisée au niveau du mollet s'est étendue à la cuisse au niveau du Hunter. Devant cette aggravation, une consultation est demandée auprès d'un médecin vasculaire qui pratique un écho-Doppler veineux, dont les résultats sont les suivants :
- axes profonds : thrombose veineuse jambière en regard d'une veine tibiale postérieure gauche étendue sur 15 cm, avec un diamètre de la veine thrombosée sous compression de 6,7 mm ;
- axes superficiels : thrombose de la veine grande saphène gauche sur veine variqueuse dans sa portion jambière s'étendant à mi-cuisse. De plus, il est noté un reflux au niveau de la jonction saphène fémorale gauche et droite.
Traitement
Une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) est prescrite à dose curative, avec relais précoce (J1) par un AVK pour une durée de trois mois, associée à une contention élastique diurne, de classe 2 par bas cuisse autofixant, une poursuite de l'AINS par voie locale, puis la pratique de la marche active avec contention. A l'issue des trois mois d'anticoagulation, il est proposé à la patiente d'envisager un éveinage saphène interne bilatéral chirurgical, aucune autre étiologie n'ayant été mise en évidence pour ces thromboses ; une thrombophilie n'a toutefois pas été recherchée.
LES MESSAGES
1) Une thrombose variqueuse est une thrombose qui intéresse une veine variqueuse, les termes para- ou périphlébites sont à proscrire.
2) Toute thrombose variqueuse peut s'accompagner d'une thrombose veineuse profonde, cette association est retrouvée dans environ 30 % des cas.
3) Une embolie pulmonaire symptomatique est retrouvée dans 3 à 17 % des cas selon les auteurs.
4) Devant toute thrombose variqueuse, une atteinte profonde doit être recherchée par un écho-Doppler, celui-ci devant être systématique.
5) Le traitement des thromboses variqueuses n'a fait à ce jour l'objet d'aucun consensus. Cependant, on peut recommander les modalités thérapeutiques suivantes :
- la contention élastique de classe 2 est la règle par mi-bas ou bas, une contention par bande élastique est aussi une solution ;
- la marche avec contention est indispensable ;
- en cas d'atteinte de la veine grande saphène en dessous du genou, la plupart du temps un AINS par voie locale et générale est nécessaire et suffisant. Eventuellement chez des sujets à risques veineux, une HBPM à titre préventif peut être proposée pendant huit à douze jours ;
- si la thrombose dépasse le condyle interne, une anticoagulation à titre thérapeutique par HBPM est recommandée pendant dix à douze jours ;
- enfin, en cas d'extension à la crosse, voire d'extension dans la veine fémorale commune, certaines équipes proposent une crossectomie plus ou moins éveinage associé en urgence, d'autres se contenteront d'une anticoagulation par HBPM.
6) Si la thrombose variqueuse est isolée sans atteinte profonde, les AVK n'ont pas d'indication, quelle que soit sa topographie.
7) A priori, l'étiologie principale des thromboses variqueuses est représentée par la maladie variqueuse. Cependant, dans certains cas, surtout si une TVP est associée, un bilan étiologique s'imposera : recherche d'un cancer par des explorations simples [examen clinique, gynécologique (seins, TV), radiographie pulmonaire, bilan biologique complet, PSA chez l'homme]. D'autres investigations seront nécessaires en fonction de l'existence de signes cliniques d'orientation.
8) Un bilan similaire sera proposé aux patients développant des thromboses variqueuses à répétition.
9) Une thrombophilie n'a pas été recherchée chez cette patiente de 68 ans car il s'agissait d'un premier épisode de TVP après 40 ans et il n'existait aucune notion de thrombophilie familiale. Certaines équipes commencent à rapporter l'association thrombophilie et thrombose variqueuse, la décision de recherche devant se faire au cas par cas.
10) Il faut différencier thrombose variqueuse et thrombose veineuse sur veine superficielle saine, le pronostic est bien différent. Cancers et thrombophilies représentent alors l'étiologie principale.
11) Pour notre patiente, l'anticoagulation par AVK a été de douze semaines ; elle peut éventuellement être ramenée à huit semaines.
12) La TVP jambière qu'a présentée la patiente en même temps que sa thrombose variqueuse n'est pas une contre-indication à l'éveinage chirurgical, la prévention de la MTEV en postopératoire sera pratiquée selon le schéma haut risque veineux.
Bibliographie
Gillet J.-L., Perrin M., Cayman R. Thromboses veineuses superficielles des membres inférieurs, étude prospective portant sur 100 patients. « Journal des Maladies Vasculaires », 2001 ; 26 : 16-22.
Guex J.-J. Thrombotic complications of varicose veins. A literature review of the role of superficial venous thrombosis. « Dermatology Surgery », 1996 ; 22 : 378-382.
Jorgensen J. O., Hanel K. C., Mogan A. M., Hunt J. M. The incidence of deep venous thrombosis in patients with superficial thrombophlebitis of the lower limbs. « Journal of Vascular Surgery », 1993 ; 18 : 70-73.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature