La protéine Tat du VIH est depuis longtemps considérée comme une cible thérapeutique potentielle, sur laquelle se penchent de nombreuses équipes dans le monde. Il s'agit, en effet, non d'une enzyme virale, mais d'un facteur de transcription (Tat : transactivateur), dont l'inhibition pourrait avoir des conséquences beaucoup plus importantes sur l'infection que l'inhibition de la transcriptase inverse ou de protéases. Outre ses effets sur la réplication virale dans les cellules infectées, la protéine Tat est libérée dans le milieu extracellulaire, où elle se comporte véritablement en toxine, inhibant notamment la réponse des cellules T. Il n'est donc pas exclu qu'une thérapie anti-Tat puisse permettre d'aller beaucoup plus loin qu'aujourd'hui en termes de restauration fonctionnelle de l'immunité.
De multiples travaux ont donc été entrepris pour tenter de neutraliser cette cible privilégiée, la plupart d'entre eux visant une vaccination anti-Tat. On peut notamment mentionner les travaux de Daniel et Jean-François Zagury en France, de Robert Gallo aux Etats-Unis, et de Barbara Ensoli en Italie. Des résultats encourageants ont d'ailleurs été publiés récemment par l'équipe italienne chez le singe infecté par le SIV.
Des inhibiteurs chimiques
Pour neutraliser Tat, il existe toutefois une autre piste, explorée par l'équipe d'Erwann Loret, à Marseille, qui est celle des inhibiteurs chimiques. Voilà en fait des années que le laboratoire marseillais se penche sur la protéine Tat. En 1999, par exemple, Erwann Loret rapportait, lors d'une réunion de l'institut de virologie humaine que dirige Robert Gallo à Baltimore, l'identification d'une protéine Tat inactive chez un patient gabonais, infecté mais en bonne santé (« le Quotidien » du 3 septembre 1999). Cette protéine, dite Tat Oyi, était alors envisagée comme base pour un vaccin. Parallèlement, toutefois, des études structurales poussées, RMN en particulier, ont été menées sur la protéine.
Triphène diméthyl succinimide
Ce sont ces études qui ont permis de modéliser des molécules, dites TDS (triphène diméthyl succinimide), capables de se fixer irreversiblement sur Tat, et de bloquer la modification structurale nécessaire à la protéine pour traverser les membranes cellulaires. Jacques Lebreton, à Nantes, ayant réussi la synthèse de TDS, des essais sur cultures cellulaires ont pu être entrepris. Leurs résultats confirment l'inhibition de Tat et montrent en outre l'activité des TDS vis-à-vis de souches virales diverses, africaines, européennes et américaines.
Il est bien entendu trop tôt pour envisager la clinique. Il s'agit, dans un premier temps, de produire des TDS en quantité suffisante pour procéder à des tests de toxicité. Mais si ces molécules se révèlent utilisables cliniquement, leur expérimentation clinique pourrait démarrer d'ici à deux ou trois ans. Ce serait alors une troisième cible du VIH qui deviendrait exposée à des inhibiteurs chimiques, et une cible très vraisemblablement beaucoup plus « haute » dans les mécanismes en cascade de l'infection, que ne le sont les enzymes inhibés par les actuelles trithérapies.
Un prix
Les Laboratoires GlaxoSmithKline ont décerné un prix international aux chercheurs de l'unité 9027 du CNRS pour leurs travaux sur les molécules anti-Tat.Le Pr Robert Gallo, venu des Etats-Unis, rend hommage aujourd'hui aux chercheurs à Marseille
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