DE NOTRE CORRESPONDANTE
LA DERMITE allergique de contact (ou eczéma de contact) est une dermatose très fréquente, qui touche environ 11 % des femmes et 5 % des hommes dans le monde industriel. C'est l'une des premières causes de maladie professionnelle.
Elle est caractérisée par une perte de tolérance immunologique vis-à-vis d'une petite molécule de l'allergie (haptène).
Une phase de sensibilisation est suivie d'une réaction d'hypersensibilité retardée à médiation cellulaire.
L'allergène pénètre d'abord dans l'épiderme ; il est capté par les cellules dendritiques cutanées qui migrent alors vers les ganglions lymphatiques, où elles présentent l'allergène aux lymphocytes T « naïfs ». Lors d'un nouveau contact avec l'allergène, une réaction inflammatoire est déclenchée par le recrutement vers la peau des cellules T mémoires, et la production consécutive de cytokines et de chimiokines inflammatoires.
Des chercheurs allemands ont découvert un régulateur important de cette réponse inflammatoire allergique dans la peau : le système endocannabinoïde.
On sait que, dans notre organisme, nous avons deux types de récepteurs cannabinoïdes, CB1 et CB2, ainsi appelés car ils sont activés par le 9-tétrahydrocannabinol (ou THC) du cannabis ; ils sont également activés par des molécules endogènes, dites endocannabinoïdes, dérivées de l'acide arachidonique comme l'anandamide.
On sait aussi, par l'étude de la souris knock-out déficiente en récepteurs CB1 et CB2, que le système endocannabinoïde joue un rôle physiologique protecteur dans le système nerveux central (SNC), en ajustant les entrées synaptiques et en limitant l'activité neurale excessive.
De plus, les cannabinoïdes, bien connus pour affecter les fonctions du SNC, ont été impliqués dans la régulation des réponses immunes. On a en effet montré que le THC module la fonction de plusieurs types de cellules immunes et les expériences chez la souris déficiente en CB1/CB2 ont montré que le système endocannabinoïde contribue à la régulation négative de la réponse inflammatoire dans des modèles animaux d'athérosclérose, des maladies inflammatoires intestinales et de sclérose en plaques. Toutefois, les mécanismes, moléculaires et cellulaires, de cette régulation négative restent mal compris et font l'objet de recherches actives.
Une nouvelle étude chez la souris, codirigée par les Drs Thomas Tuting et Andreas Zimmer de l'université de Bonn (Allemagne), montre que le système endocannabinoïde contribue également à la régulation négative de la réponse inflammatoire allergique de la peau.
Des souris qui se grattent l'oreille.
L'équipe s'est lancée dans ce travail après avoir observé que les souris K.O. déficientes en récepteurs CB se grattent l'oreille à l'endroit d'une agrafe en nickel qui sert à les identifier, et font des ulcères cutanés sévères de la tête et du cou. Les souris normales tolèrent très bien la même agrafe.
Les récepteurs CB, ainsi que les endocannabinoïdes, sont normalement présents dans la peau (sur les kératinocytes).
Après avoir écarté un trouble de cicatrisation, les chercheurs ont envisagé la possibilité d'une exacerbation des réponses cutanées allergiques.
«Pour étudier cette possibilité, nous avons utilisé un modèle bien établi d'hypersensibilité cutanée de contact», explique au « Quotidien » le Dr Tuting.
«Nous avons pu montrer qu'effectivement les souris dépourvues des deux récepteurs CB développent un gonflement allergique de l'oreille bien plus important que les souris normales, après une sensibilisation, puis une provocation par l'allergène de contact DNFB. »
«De plus, le blocage pharmacologique des récepteurs CB, avec les antagonistes spécifiques de CB1 (SR141716 ou rimonabant) et de CB2 (SR144528), chez des souris normales, aboutit à un gonflement allergique accru de l'oreille. »
«En revanche, des souris K.O. déficientes en enzymes FAAH (Fatty Acid Amide Hydrolase) responsables de la dégradation des endocannabinoïdes, donc porteuses de taux accrus d'endocannabinoïdes dans la peau, présentent un gonflement allergique atténué de l'oreille. »
«Pour ce qui est du mécanisme potentiel, nous avons pu identifier des altérations de l'expression de certains gènes de chimiokines qui dirigent le recrutement des cellules immunes effectrices durant l'inflammation allergique de contact.»
«Collectivement, ces résultats suggèrent que des endocannabinoïdes sont libérés dans la peau durant les réactions allergiques de contact et participent à la régulation négative de l'inflammation. »
Le traitement des dermatoses inflammatoires.
L'équipe entrevoit de futures options thérapeutiques ciblant le système endocannabinoïde.
«Nos résultats ouvrent de nouvelles possibilités pour le traitement de l'inflammation allergique de la peau», précise le Dr Tuting.
«Dans notre modèle de souris, nous avons observé que l'application épicutanée de THC est capable de réduire l'ampleur du gonflement allergique de l'oreille. Cela suggère que de nouveaux agonistes des récepteurs CB ainsi que des composés affectant la biosynthèse et la dégradation des endocannabinoïdes pourraient être mis au point pour le traitement des dermatoses inflammatoires.»
Les chercheurs envisagent d'étudier plus en détail la physiologie du système endocannabinoïde et son rôle pendant l'inflammation allergique de la peau.
« Science », 8 juin 2007, p. 1494, Karsak et coll.
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