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P LUS de quarante ans après sa première publication en France, une nouvelle traduction du chef-d'œuvre de Vladimir Nabokov par Maurice Couturier - son traducteur depuis de longues années, ancien professeur de littérature anglaise et américaine contemporaine et professeur émérite de l'université de Nice - donne un éclairage très nouveau sur ce roman qui fut et reste controversé.
C'est après avoir écrit, entre 1926 et 1938, neuf romans en langue russe que Nabokov décida, en 1939 et alors qu'il résidait à Paris, d'écrire en langue anglaise, rappelle Maurice Couturier. « Lolita » est ainsi son troisième roman « américain », qui fut refusé par les quatre éditeurs auxquels il le présenta outre-Atlantique et finalement publié à Paris en septembre 1955 dans une collection de l'éditeur Maurice Girodias ouverte aux romans pornographiques. L'ouvrage fut rapidement victime de son succès : parce que Graham Greene en vanta les mérites dans le « Sunday Times », les autorités anglaises intervinrent auprès du ministre de l'Intérieur de l'époque pour demander et obtenir son interdiction ; ce qui amena la presse française à défendre le roman, qui connut de plus en plus un succès de scandale.
Raymond Queneau - qui, rappelle Maurice Couturier, était lui-même en train d'écrire « Zazie dans le métro » - incita alors les éditions Gallimard à publier, en 1959, une traduction du roman. Le travail effectué par Eric Kahane, le frère de Maurice Girodias, n'a été apprécié ni de Vladimir Nabokov, qui possédait une excellente connaissance du français mais n'eut pas le temps de le revoir en détail, ni de certains critiques de l'époque comme Jean Mistler ; quant au traducteur actuel de l'œuvre, il parle d'adaptation plutôt que de traduction, souligne les nombreux contresens et les approximations et déplore que la transposition des références culturelles ou la traduction des noms propres, font oublier par moments que l'histoire se déroule en Amérique.
Reste le fond. Le lecteur d'aujourd'hui va-t-il réagir comme celui des années cinquante, qui « avoue ne pas pouvoir s'empêcher d'admirer, d'aimer, ce qu'il pense devoir haïr, à savoir l'immoralité, la perversité, cette cruauté du désir et de désir de cruauté que Nabokov semble célébrer avec une certaine complaisance à travers son narrateur » ? Sachant que le lecteur d'aujourd'hui est en plein dans l'actualité brûlante de la pédophilie, ce qui ne peut que l'embarrasser davantage !
Editions Gallimard, 468 p., 150 F (22,87 euros)
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