EN FRANCE, 70 % des décès par cancer surviennent après 65 ans. Première cause de mortalité entre 65 et 79 ans, le cancer occupe la deuxième place chez les sujets de plus de 80 ans. Un âge à partir duquel ce sont les maladies cardio-vasculaires qui constituent la cause principale du décès. Compte tenu de l’augmentation de la population de sujets âgés, ces derniers vont devenir les principaux clients des prises en charge thérapeutiques en cancérologie. « On voit très bien, depuis dix ans dans les hôpitaux, combien, dans l’ensemble des spécialités médicales et chirurgicales, l’âge des patients augmente de plus en plus. Cela s’explique non seulement par le nombre sans cesse croissant de sujets âgés, mais aussi du fait qu’on a développé des techniques de prise en charge que l’on peut appliquer à des patients de plus en plus fragiles. Il y a quinze ans, on ne faisait pas de thrombolyse dans l’infarctus du myocarde après 65ans. Aujourd’hui on le fait à 90ans sans difficultés», explique le professeur Olivier Saint-Jean, responsable du service de gériatrie de l’hôpital européen Georges-Pompidou (Hegp). Il est également à la tête de la commission d’évaluation du programme d’unités pilotes de coordination en oncologériatrie (Upcog). Pour répondre à la mesure 38 du plan Cancer qui prévoit un effort spécifique pour les personnes âgées atteintes de la maladie, l’Institut national du cancer (Inca) a en effet mis en place cette mission de santé publique en oncogériatrie. Cette dernière a pour objectif de «coordonner et d’impulser les actions qui permettront, à tous les patients âgés, de bénéficier d’un traitement de qualité sans retentissement sur leur autonomie». Un premier appel à projets en oncogériatrie a alors été lancé en 2005. Il a permis de faire émerger neuf Upcog. «Ces premiers programmes opérationnels ont démarré en 2006 pour un financement global de 1272300 euros. Afin d’améliorer la couverture régionale, l’Institut a par ailleurs lancé en 2006 un nouvel appel à projets; 25 projets ont été reçus et, après une analyse approfondie du dossier par trois experts ainsi qu’un avis des ARH et de la commission d’évaluation, l’Institut national du cancer a décidé de retenir cinq nouvelles Upcog pour un montant total de 801317 euros.»
La fragilité des malades.
Aborder l’oncogériatrie, c’est, en premier lieu, faire face à deux grandes catégories de patients. Il y a d’une part les seniors de 70 à 75 ans, lesquels ont généralement gardé une vraie autonomie, mais sont entrés dans une phase de « fragilité » qui va alors rendre problématique la prise en charge du cancer chez ce type de patients. Cette fragilité peut être liée à des aspects strictement médicaux comme le vieillissement des organes, les comorbidités, ou plus psychologiques, à l’instar des problèmes de mémoire ou de dépression, volontiers masqués chez les personnes âgées. Entrent par ailleurs en compte les interactions médicamenteuses. «Ces malades sont polymédiqués et il faut savoir faire le tri dans l’ordonnance. L’aspect nutritionnel est aussi quelque chose de fondamental dans les cancers en général, mais d’autant plus chez les sujets âgés où il va avoir des conséquences très immédiates sur les muscles, la capacité à marcher, l’autonomie fonctionnelle ou le système immunitaire.»
Concernant les vieillards de 85 ans et plus, la prise en charge s’avère encore plus problématique. «On n’est même plus ici dans l’optique de faciliter la pratique de chimiothérapies déjà connues, mais plutôt dans celle d’inventer des nouveaux protocoles de prise en charge, car actuellement on est dans le brouillard absolu: quel type de chimiothérapie privilégier chez une personne de 85 ans qui a un lymphome? A partir de quel stade faut-il faire de la thérapeutique active ainsi qu’un accompagnement palliatif ? Tout reste à inventer.»
La globalité de l’approche.
D’où l’importance d’avoir des lieux qui soient des unités pilotes où sont réunies les compétences des cancérologues et des gériatres. «L’idée de ces unités pilotes est moins de créer des structures d’hospitalisation que de cristalliser des lieux entre professionnels qui vont avoir une activité de recherche, d’enseignement, et fournir de l’information au patient. La finalité de ce projet n’est donc pas de créer d’éventuels lits d’oncogériatrie, mais de rassembler des hommes, de créer des postes de gériatres qui vont venir travailler dans les unités d’oncologie dans le cadre de ces programmes pilotes.» Selon le Pr Saint-Jean, le cancérologue aura de plus en plus besoin d’une approche plus globale de l’individu âgé, tant en ce qui concerne les pathologies que les interactions sociales, l’état intellectuel, la nutrition ou le dépistage d’une dépression.
D’après un entretien avec le Pr Olivier Saint-Jean, hôpital européen Georges- Pompidou, Paris.
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