EN CIBLANT la protéine de reconnaissance Duffy impliquée dans les mécanismes d'interaction de Plasmodium vivax avec les érythrocytes, on peut imaginer produire des anticorps neutralisants par un nouveau type de vaccination contre le paludisme.
L'équipe du Dr Christopher King (Cleveland) s'est fondée sur un constat : passé la prime enfance, certains enfants exposés de façon chronique à des vecteurs du paludisme Plasmodium falciparum et vivax développent une immunité protectrice qui ne prévient pas l'infection mais limite les signes cliniques et, de ce fait, évite les formes graves. Même si l'on ne connaît pas encore de façon précise les mécanismes en cause dans cette protection contre l'infection, il semblerait que l'immunité humorale contre les antigènes exprimés à la phase sanguine de l'infection joue un rôle particulier. C'est pour cette raison que le Dr King s'est intéressé à la réponse à un antigène particulier impliqué dans la phase préérythrocytaire de l'infection par P.vivax.
La réponse érythrocytaire aux phases précoces.
L'interaction entre la protéine P.vivax Duffy de liaison et le récepteur de l'antigène Duffy constitue un élément central de la réponse érythrocytaire aux phases précoces de l'infection par P.vivax. Les auteurs ont mis en place une étude prospective de cohorte chez des enfants de 5 à 14 ans vivant en région endémique pour P.vivax, la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le sérum des 206 enfants a été analysé par test Elisa à la recherche de signes d'infection par P.vivax. Au total, plus de 42 % des enfants étaient naturellement infectés. Tous ont été traités par une semaine d'artésunate afin d'éliminer les parasites sanguins. Puis, de façon systématique toutes les deux semaines pendant une année, un nouveau test sanguin a été effectué à la recherche d'anticorps spécifiques de la région II de la protéine P. vivax Duffy binding (PvDBPII) et d'une évuentuelle infection à P.vivax.
Des anticorps naturellement acquis.
Les auteurs se sont plus spécifiquement intéressés à l'existence d'anticorps naturellement acquis inhibant les réactions de liaison (naturally acquired binding inhibitory antibo- dies BIAbs) dont le degré d'implication dans la protection est le plus important en raison de sa spécificité de fixation. Ils ont choisi de définir trois groupes d'enfants selon leur taux d'anticorps : taux élevé qui correspond à une inhibition de 90 % de la liaison PvDBII-Duffy et qui concerne 9 % des enfants, taux moyen induisant une inhibition de 50 % de la liaison (40 des 206 enfants) et taux faible induisant moins de 50 % d'inhibition de liaison (148 des 206 enfants).
La présence de niveaux élevés de BIAbs avant le traitement était associée avec un délai avant réinfection par P.vivax allongé (médiane 96 jours contre 61 jours) et une baisse de 55 % du nombre des épisodes d'infection. Par ailleurs, dans ce sous-groupe de jeunes enfants, la parasitémie était en moyenne inférieure de 44 % en cas de réinfection par rapport aux enfants dont le taux d'anticorps était moins élevé.
Dans un deuxième temps, les auteurs ont analysé l'effet de ces anticorps sur six différents haplotypes de PvDBPII. Cette protéine étant en effet particulièrement polymorphique, il était essentiel de savoir si les anticorps perdaient de leur efficacité lorsque l'antigène présente des modifications génétiques. Dans le sous-groupe des enfants qui présentaient des taux élevés d'anticorps, la capacité à lutter contre une nouvelle infection reste tout à fait présente pour les six haplotypes testés. Enfin, les auteurs soulignent que l'immunité obtenue était spécifique de l'espèce puisque les anticorps PvDBPII ne permettent pas de lutter contre une infection à P.falciparum.
«L'ensemble de ces observations laisse à penser que PvDBPII pourrait constituer un candidat vaccin contre P. vivax . Il reste encore à développer une approche qui puisse permettre de produire de façon suffisante des anticorps dirigés contre le passage érythrocytaire du plasmocyte», concluent les auteurs.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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