LA FIDELITE de deux partenaires est un moyen évident de protection contre l'infection par le VIH, puisqu'elle empêche de contracter le virus. Moins évident, mais tout aussi intéressant, est le fait biologique démontré par Barry Peters et coll. (Londres). Ils observent que les relations sexuelles avec un partenaire unique pendant au moins un an induisent une alloimmunisation traduite in vitro par une réduction de l'infection par le virus. Ces auteurs suggèrent d'étudier plus avant un concept de stratégie vaccinale utilisant ce concept d'allo-immunisation muqueuse.
L'étude a porté sur 82 participants : 29 couples monogames hétérosexuels, qui ont été comparés à 15 femmes et 10 hommes ayant une sexualité protégée par préservatifs ou n'ayant pas de relations sexuelles.
Prolifération des cellules T.
Les résultats montrent que la prolifération des cellules T est significativement accrue dans les cellules mononuclées périphériques (Pbmc) des femmes pratiquant une sexualité monogame et sans préservatifs, en réponse aux Pbmc de leur partenaire, et comparativement à des cellules provenant de sujets contrôles (p = 0,0001). Les hommes ayant le même type de comportement présentent également une prolifération de cellules T augmentée, mais de manière plus limitée (p = 0,013).
Une inhibition de l'infection par le VIH des CD4 activés est notée pour les deux types de souches (celles liant CCR4 et celles liant Cxcr5) pour les femmes ayant eu une sexualité non protégée pendant au moins un an avec le même partenaire, comparativement à celles utilisant des préservatifs ou bien n'ayant pas de relations sexuelles.
Des différences hautement significatives sont trouvées pour les souches liant CCR5 (p = 0,0001) et celles liant Cxcr4 (p = 0,001), pour quatre concentrations virales différentes. Elles sont moins marquée chez les hommes.
A vérifier in vivo.
« Nos résultats suggèrent que, au cours des relations sexuelles, les antigènes HLA présents dans le liquide séminal et cervicovaginal peuvent induire une allo-immunisation muqueuse chez les femmes et à un moindre degré chez les hommes », expliquent Peters et coll. Maintenant, il faut vérifier et confirmer que ce mécanisme d'alloimmunisation existe bien in vivo et s'exerce au niveau de la muqueuse vaginale.
Comme on sait que l'allo-immunisation induit des réponses immunitaires puissantes, son effet potentiel sur les infections sexuellement transmissibles, et en particulier celle à VIH, est à prendre en compte et à étudier. Toutefois, il existe également un effet de tolérance, qui est rapporté dans l'étude chez six des patients pour lesquels les réactions aux cellules du partenaire sont de moindre ampleur qu'à des cellules étrangères. « Ce qui soulève le problème de la conciliation de résultats contradictoires : la tolérance aux allo-antigènes paternels qui évite le rejet du fœtus et l'allo-immunisation qui, au contraire, prévient les MST », disent les auteurs.
« Comme c'est le cas de publications faisant état de nouvelles données surprenantes, les observations de Peters et coll. soulèvent davantage de questions scientifiques qu'elles n'apportent d'applications cliniques immédiates », soulignent des éditorialistes. Mais ils font aussi remarquer que l'allo-immunisation a plusieurs avantages potentiels : fournir une immunité stérilisante en induisant des anticorps, ainsi qu'une immunité cellulaire à même d'éliminer les virus libres, les cellules infectées productives et les cellules porteuses du provirus ; et aussi, lorsque l'infection est là, de représenter une deuxième ligne de défense par l'introduction de facteurs antiviraux dérivés des CD8.
Toutefois, l'effet d'une allostimulation sur l'infection à VIH est complexe et les alloréponses ne conduisent pas toujours à une protection ou à un contrôle.
« The Lancet », vol. 363, 14 février 2004, pp. 518-524 et commentaires pp. 503-504.
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