PAR LES Drs SOPHIE IGNACE et LAURENT JUILLARD*
LE PREMIER cas de FSN (fibrose systémique néphrogénique)a été décrit en 1997 par Cowper. Depuis, un peu plus de 200 cas ont été rapportés à travers le monde. Il s'agit d'une atteinte fibrosante, entraînant un épaississement douloureux au niveau cutané, des adhérences articulaires et, parfois, des atteintes viscérales, notamment cardiaque ou pulmonaire. Elle débute par des lésions érythémateuses et prurigineuses non spécifiques, principalement au niveau des membres inférieurs, et a été observée chez des sujets de tout âge. Le pronostic fonctionnel est souvent mauvais, et le pronostic vital peut parfois être engagé, en cas d'atteinte des muscles respiratoires (moins de 5 % des cas). Son diagnostic formel est histologique. La totalité des cas a été rapportée chez des patients souffrant d'insuffisance rénale aiguë ou chronique, qu'elle soit ou non dialysée. Plusieurs hypothèses étiologiques ont été avancées : agents stimulant de l'érythropoïèse, troubles acido- basiques, contexte postchirurgical ou thrombotique…, mais aucune n'a finalement été retenue formellement. Les possibilités thérapeutiques, locales ou systémiques (photophérèse extracorporelle, plasmaphérèse) sont limitées, et peu efficaces. Les injections répétées de thiosulfate de sodium pourraient toutefois être une option thérapeutique prometteuse. L'amélioration de la fonction rénale, par le recours à la transplantation, ou la correction d'une insuffisance rénale aiguë, paraît primordiale dans l'évolution favorable des symptômes. Quelques cas d'amélioration des symptômes après transplantation rénale ont été rapportés. L'effet bénéfique de l'immunosuppression a tout d'abord été avancé, mais il semble bien que ce soit l'amélioration de la fonction rénale qui intervienne.
Les produits de contraste au gadolinium.
Ce n'est qu'à partir de 2006 que le rôle des PC-Gd a été avancé dans la genèse de la FSN. Les PC-Gd sont utilisés en IRM depuis les années 1980, et reconnus comme sécuritaires en insuffisance rénale depuis les années 1990. Leur implication dans la genèse de la FSN est bien établie, mais incomplètement élucidée. Deux PC-Gd ont été incriminés : le gadodiamide (Omniscan) surtout, et dans un plus petit nombre de cas le gadopentétate diméglumine (Magnevist). Le gadolinium est un ion métallique permettant une meilleure visualisation des structures lors des examens IRM. Il est toutefois très toxique dans sa forme libre, et nécessite d'être chélaté pour son utilisation en imagerie. La stabilité de ces complexes varie d'un PC-Gd à l'autre, et intervient certainement dans le potentiel de pathogénicité des différents produits. L'initiation de la FSN serait due à la déchélation du complexe, qui libère le gadolinium toxique. Les cellules dendritiques CD34+, retrouvées au sein des lésions histologiques, seraient des « fibrocytes » circulants, qui auraient migré depuis la circulation vers le derme en réaction aux dépôts de gadolinium. La présence de gadolinium a en effet été démontrée sur des biopsies de patients atteints de FSN. Le gadolinium est normalement éliminé par voie rénale par filtration glomérulaire avec une demi-vie plasmatique de 90 minutes environ chez le sujet à fonction rénale normale, et plus de 30 heures chez des sujets en insuffisance rénale sévère. Dans les cas de FSN rapportés jusqu'à présent, les symptômes sont survenus le plus souvent plusieurs semaines après l'injection du PC-Gd. Cela pourrait s'expliquer par un stockage du gadolinium initialement au niveau osseux, avec relargage progressif dans la circulation. L'utilisation de fortes doses de PC-Gd, notamment dans la technique d'angio-IRM, semble majorer le risque de FSN. Ainsi, une décomplexation accrue des produits utilisés en IRM (due à des facteurs pour le moment inexpliqués), associée à un défaut de clairance, pourrait expliquer pourquoi les cas de FSN n'ont été observés qu'en cas d'insuffisance rénale. Certaines conditions associées, telles qu'une calcémie et une phosphorémie élevées, ainsi que l'utilisation d'érythropoïétine, favoriseraient le développement de la FSN.
Attitude pratique.
Bien qu'il soit difficile de quantifier le risque de survenue de FSN après exposition au PC-Gd (de 2 à 25 % dans les études chez des patients en insuffisance rénale terminale), il paraît raisonnable de recommander l'attitude suivante dans la pratique clinique :
Discuter l'indication des examens d'IRM chez les patients en insuffisance rénale, particulièrement en cas de débit de filtration glomérulaire < 30 ml/min, et favoriser l'injection de doses les plus faibles possibles de PC-Gd.
Proscrire chez ces patients le PC-Gd jusqu'à présent principalement incriminé (gadodiamide), conformément aux recommandations de l'AFSSAPS (1).
Favoriser la réalisation précoce d'une séance d'hémodialyse après toute injection de gadolinium chez les patients déjà dialysés, bien que son intérêt ne soit pas formellement prouvé.
Notifier aux services de pharmacovigilance et au centre de référence mondial de la FSN (2) toute suspicion de nouveau cas de FSN afin de permettre une meilleure compréhension des mécanismes impliqués.
* Service de néphrologie, hôpital Édouard-Herriot, pavillon P, Lyon.
(1) http://agmed.sante.gouv.fr/htm/10/ filcoprs/070201.ht.
(2) site Internet : www.icnfdr.org.
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