Les troubles cognitifs ne sont plus considérés comme seulement secondaires et/ou dépendants des symptômes déficitaires ou négatifs ; certains existeraient de manière autonome.
Paradoxalement, plus l'approche fondamentale de la maladie progresse, moins la conception que nous en avons est réductionniste. En effet, la mise en évidence d'anomalies des relations entre système limbique et lobes frontaux et la démonstration par la neuro-imagerie fonctionnelle de l'existence d'un problème majeur du traitement de l'information dans la schizophrénie marquent peut-être un tournant important dans la recherche sur cette maladie.
L'évolution à long terme de la schizophrénie est fortement dépendante des déficits cognitifs qui, longtemps considérés comme corollaires des autres et non pas comme princeps, en partie du fait de leur plus grande discrétion par rapport aux symptômes dits positifs comme le délire ou les hallucinations, constituent pourtant une dimension essentielle de la maladie, souligne le Pr Richard Keefe (Etats-Unis). Les tests d'évaluation des troubles cognitifs portant sur la mémoire verbale et l'attention montrent que les patients schizophrènes souffrent d'un trouble majeur du captage et du traitement de l'information. Schématiquement, on peut dire qu'un patient psychotique n'intègre qu'à peine plus de la moitié des informations qui lui sont délivrées (ce qui lui est dit, ce qu'il voit, etc.), d'où ses difficultés à s'adapter à la réalité, à communiquer avec autrui, à créer des liens.
Anhédonie et isolement
L'intégration des émotions les plus élémentaires sont perturbées chez ces sujets, par exemple leur capacité à éprouver des émotions positives. On comprend mieux, dès lors, la perte de motivation, d'intérêt pour le monde extérieur, l'anhédonie et l'exclusion sociale. En utilisant les techniques de neuro-imagerie fonctionnelle (tomographie à positons), le Pr Nancy Andreasen (Etats-Unis) a montré que les schizophrènes parviennent à identifier correctement des images susceptibles de déclencher des émotions désagréables (enfant cachectique, image d'un serpent inquiétant, etc.), mais qu'ils n'utilisent pas les mêmes régions cérébrales pour cette identification que les témoins sains. En effet, chez eux, les zones recrutées sont les régions corticales, en particulier frontales, alors que, chez les témoins, l'identification fait appel aux circuits limbiques et à la région amygdalienne correspondant à la région phylogénétiquement la plus ancienne du cerveau. Tout se passe comme si, les espaces corticaux étant accaparés par le traitement de l'information désagréable, « il n'y avait plus de place » pour l'intégration des émotions positives ; d'où l'anhédonie.
Préserver les fonctions cognitives
La prescription précoce d'un antipsychotique améliore le pronostic et, inversement, l'allongement du délai sans traitement augmente le déficit cognitif à moyen terme. Si la réduction des symptômes positifs constitue un objectif majeur de la prise en charge médicamenteuse, il n'est plus le seul. Les pratiques de prescription ont changé ces dernières années avec l'apparition des nouveaux antipsychotiques, comme le confirment les études PRES et STANDAARD. Ces modifications se font au profit de nouvelles molécules antipsychotiques comme la rispéridone (PRES 2000), mieux tolérées et non génératrices d'effets secondaires (comme les syndromes parkinsoniens). Les données de l'étude E-CHANGE sur la perception subjective de l'efficacité et de la tolérance confirment ces bénéfices. La prise en charge des accès aigus privilégient également les formes orales en monothérapie (antipsychotique de nouvelle génération choisi une fois sur deux, d'après l'enquête nationale prospective pharmaco-épidémiologique dite STANDAARD).
S'agissant de l'efficacité sur le long terme, l'étude comparative longitudinale rispéridone/neuroleptiques classiques chez des patients schizophrènes montre que la rispéridone apporte un bénéfice thérapeutique qui, parfois, n'apparaît qu'après plus de un an de traitement. Ces données confirment les résultats de maintien de l'efficacité lors d'un traitement par la rispéridone obtenus par Csernansky et coll., publiés récemment dans le « New England Journal of Medicine » *.
Cannes. Symposium Janssen-Cilag présidé par les Prs Henri Lôo, Jean-Michel Azorin ; Patrice Boyer.
* Csernansky J. G. et coll. A comparison of risperidone and haloperidol for the prevention of relapse in patients with schizophrenia. « N Engl J Med », 2002 ; 346, 1 : 16-58.
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