LES AMYLOSES regroupent un ensemble très large de pathologies qui ont en commun la présence de dépôts extracellulaires résultant de l’accumulation d’une substance majoritairement protéique dans des tissus. Cette substance protéique se caractérise par une morphologie fibrillaire. À ce jour, plus d’une vingtaine de protéines sont à l’origine de la formation de dépôts amyloïdes chez l’homme et la majorité sont des protéines plasmatiques.
Le sous-groupe des amyloses héréditaires englobe des maladies très rares mais précieuses car elles représentent un modèle d’étude pour comprendre les mécanismes généraux de l’amyloïdogenèse. Elles sont dues à une mutation d’un gène qui conduit la protéine correspondante à acquérir des propriétés amyloïdogènes. Huit protéines ont été associées à ces formes : la transthyrétine, le lysozyme, les apolipoprotéines AI et AII, la chaîne alpha du fibrinogène, la gelsoline, la kératoépithéline et la cystatine C.
« Dorénavant, grâce à la découverte de cette nouvelle mutation, la bêta-2-microglobuline (B2M) doit être ajoutée à la liste des protéines associées aux amyloses héréditaires », explique au « Quotidien » le Dr Sophie Valleix qui dirige le secteur des amyloses héréditaires dans le laboratoire de biochimie et génétique moléculaire de l’hôpital Cochin à Paris. Après avoir fait cette découverte génétique, Valleix et son équipe ont collaboré avec l’équipe du Dr Vittorio Bellotti (University College London) pour étudier la protéine mutée recombinante.
« Le diagnostic final d’une amylose héréditaire repose actuellement sur la confrontation des données cliniques, des données anatomopathologiques et des résultats du séquençage des gènes. Le diagnostic moléculaire de l’ensemble des amyloses héréditaires est réalisé en France uniquement dans notre laboratoire de l’hôpital Cochin. Cet apport de diagnostic moléculaire est un prérequis indispensable pour pouvoir proposer aux patients une approche thérapeutique adaptée à chaque type d’amylose héréditaire ainsi que pour mettre en place un conseil génétique », ajoute le Dr Valleix.
La bêta-2-microglobuline est éliminée par le rein et son taux plasmatique s’élève considérablement chez les patients en insuffisance rénale chronique terminale (IRT) traités par hémodialyse ; d’où la formation d’agrégats amyloïdes dans les os et les articulations. Cette amylose des hémodialysés est caractérisée par des dépôts ostéoarticulaires à l’origine d’arthropathies douloureuses et de fractures.
Quatre membres d’une famille française.
Valleix et coll. décrivent une famille française chez laquelle 4 membres ont développé, vers 40-50 ans, des troubles intestinaux à type de diarrhée s’aggravant progressivement, un syndrome de sicca (ou syndrome de Sjögren), une perte de poids et une neuropathie autonome (hypotension orthostatique) avec apparition secondaire d’une neuropathie périphérique sévère à prédominance sensitive. L’examen autopsique de la sœur la plus âgée (décédée à 70 ans) révéla des dépôts amyloïdes dans divers organes (rate, foie, cœur, glandes salivaires, et nerfs) ; les biopsies du colon et des glandes salivaires chez une sœur plus jeune a montre des dépôts amyloïdes.
Le séquençage du gène de la bêta-2-microglobuline (B2M) dans la famille a montré que seuls les 4 membres affectés étaient hétérozygotes pour une mutation ponctuelle du gène B2M. L’analyse immunohistochimique et protéomique confirma que ces dépôts étaient bien composés de bêta-2-microglobuline mutée. Les membres atteints de cette famille ont une fonction rénale normale et des taux circulants normaux de bêta-2-microglobuline.
Des pistes thérapeutiques.
In vitro, la forme mutée (Asp76Asn) de la bêta-2-microglobuline se révèle drastiquement fibrillogénique même dans des conditions physiologiques de pH et de forces ioniques, produisant des fibrilles amyloïdes en 48 heures alors que la bêta-2-microglobuline normale ne s’agrège pas dans ces conditions.
« Les propriétés amyloides remarquables de ce nouveau variant de la bêta-2-microglobuline en font un modèle idéal pour comprendre les mécanismes de la fibrillogenèse de cette protéine. Ces connaissances permettront de déboucher sur des applications thérapeutiques en utilisant des molécules inhibant la formation des fibres amyloïdes composées de la bêta-2-microglobuline », fait entrevoir le Dr Valleix.
Des études précliniques ont identifié récemment des composés inhibant la fibrillogenèse de la bêta-2-microglobuline normale, ce qui procure des pistes thérapeutiques pour l’amylose liée a la dialyse ; la doxycycline en est un exemple (Giorgetti et coll., J Biol Chem 2011).
New England Journal of Medicine du 13 juin 2012, Valleix et coll.
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