L'allée décorée de ballons multicolores à l'entrée et le fond musical donnent un petit air de technoparade. Pourtant, « ici, c'est sérieux », dit Christophe, l'un des animateurs du Cybercrips. Du sérieux, on ne doute pas, à voir la masse d'informations dont l'on dispose ici. Les ballons ne sont finalement que des vestiges de la petite fête de la veille pour célébrer le 10 000e visiteur du Cybercrips.
Alors oui, c'est sérieux.
Ici, les cinq animateurs, chapeautés par Benoît Félix, donnent des « leçons de choses » aux adolescents et jeunes adultes. Parler de sujets aussi difficiles que le sexe et la drogue (donc le tabac et l'alcool) est très naturel. On aborde ces sujets de façon à la fois ludique et scientifique. « On est dans le concret : nos vidéos donnent des explications sur la transmission du VIH mais aussi sur la façon de procurer un orgasme à sa partenaire, par exemple. » C'est sûr qu'on n'y va pas par quatre chemins et que l'on répond sans tabou aux questions que peuvent se poser les adolescents.
Un panneau énumère la gamme des préservatifs existant dans le monde, comme par excès de zèle scientifique. On peut toucher, manipuler les « objets » allant du plus petit au plus large diamètre, lire sa fabrication, avec historique et topo sur le latex à l'appui. Idem pour le préservatif féminin. Comment les jeunes abordent-ils la sexualité avec leurs parents (si toutefois ils l'abordent), comment réagissent-ils aux campagnes de prévention ? Cet espace convivial favorise l'échange. Les différents thèmes abordés sur les bornes interactives deviennent prétexte pour nouer le contact, faire sortir les jeunes de leur solitude.
Le succès de la boîte magique
Dix mille personnes en huit mois, c'est un nombre très honorable, d'autant que le lancement, en plein Vigipirate (cartes d'identité réclamées à l'entrée de la tour a été un peu laborieux. Le 10 000e visiteur est en l'occurrence une visiteuse. Cette jeune fille de 15 ans est une habituée. C'est notamment grâce à eux, les habitués, que fonctionne le bouche-à-oreille sur l'existence de ce lieu. Nombreux sont ceux qui viennent de façon régulière, ils s'amusent à guider leurs copains.
Attraction spécial filles : la boîte magique. Les filles (et les garçons) peuvent apprendre à enfiler un préservatif, en glissant leur main dans la « boîte magique » où se trouve un sexe en bois. La manipulation délicate est accomplie à l'abri des regards. Dans une Fiat 500, installée au beau milieu de la salle, les jeunes peuvent visionner en toute tranquillité une cassette vidéo d'éducation sexuelle. « La discrétion et l'originalité de ces supports rendent l'impact pédagogique encore plus fort », assure Benoît Félix.
Les sept bornes interactives traitant du sida et autres IST sont des produits purement Cybercrips. Un logiciel permet aux visiteurs de laisser une trace de leur passage, ici en dessinant, là en se faisant photographier par une webcam.
Un lieu de santé référent
D'ici à un mois, on devrait retrouver ces outils pédagogiques pour le thème des drogues. Déjà, chaque mercredi, une permanence est assurée par des tabacologues. On réfléchira ensuite sur les thèmes de la violence verbale, corporelle et sexuelle.
Le Cybercrips est un bébé du Crips, le centre régional d'information et de prévention sida, créé en 1989 par le Dr Didier Jayle, dermatologue à l'hôpital Pompidou. « Ce lieu doit devenir un lieu référent de santé, et pour les jeunes et pour ceux qui veulent communiquer avec eux sur le sujet. » Toute une sélection d'ouvrages et d'outils pédagogiques sont proposés aux médecins, éducateurs, et pourquoi pas aux parents, à la marraine des enfants, etc.
Le Cybercrips est incontestablement un outil original et unique en France. « C'est vraiment honteux que les nouvelles technologies soient si peu utilisées en termes de prévention. Il est temps de la redynamiser », s'indigne Benoît Félix. Cet espace pourrait faire des petits. Le conseil général de Seine-Saint-Denis semble déjà très emballé par une structure de ce genre.
On s'adresse ici aux adolescents. On se met à leur niveau de connaissances mais finalement on les prend pour des adultes et c'est peut-être ça qui les rend accros au Cybercrips.
Cybercrips, rez-de-chaussée de la tour Montparnasse (côté rue du Départ) ; documentation du CRIPS, au 12e étage, du mardi au vendredi de 13 h à 19 h, le samedi de 11 h à 18 h (de 10 h à 17 h le samedi pour le CRIPS), tél. 01.56.80.33.34. Site Internet : www.cybercrips.net.
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