ALORS QUE le genre Bartonella ne comprenait en 1992 qu'une espèce ( Bartonella bacilliformis), il s'est enrichi depuis de nombreuses bactéries qui étaient affiliées à d'autres groupes ou qui ont été récemment identifiées. Jusqu'à la nouvelle identification, annoncée dans le « New England Journal of Medicine », il comprenait 19 espèces et sous-espèces. Trois espèces seulement ont été impliquées fréquemment dans des infections humaines.
B.henselae est la principale cause de la maladie des griffes du chat. Une ou plusieurs adénopathies se développent dans le territoire de drainage d'une griffure de chat (ou d'une piqûre de puce de chat). Ce qui peut conduire, chez les patients immunodéprimés (VIH, transplantation), à des complications : cutanées (angiomatose bacillaire), viscérales (péliose hépatique, splénique ou autre), voire à une septicémie ou à une endocardite.
B.quintana, transmise d'homme à homme par les poux du corps, est responsable d'épisodes fébriles récurrents, connus depuis la Première Guerre mondiale, comme la fièvre des tranchées, ou la fièvre quintane (qui dure cinq jours). Des complications du type angiomatose sont également décrites chez les patients immunodéprimés. Cette infection est souvent rapportée dans la population des SDF.
Une anémie hémolytique fébrile.
Enfin, l'infection par B.bacilliformis est principalement confinée au Pérou, dans la cordillère des Andes (entre 1 000 et 3 000 m d'altitude), où se trouve son vecteur – une mouche de sable ( Lutzomyia verrucarum). L'infection aiguë symptomatique, nommée fièvre d'Oroya, est une anémie hémolytique fébrile aiguë, où près de 80 % des hématies sont parasitées puis lysées. La mort peut survenir au décours de cet épisode ou à la suite de complications infectieuses. Les survivants peuvent déclarer des lésions cutanées angiomateuses, en relief, les verrues péruviennes, connues depuis l'ère précolombienne.
Le cas, décrit par des chercheurs de l'université de San Francisco, de la Harvard Medical School (Boston) et du CDC (Atlanta), est celui d'une patiente américaine de 43 ans qui, deux semaines après son retour d'un voyage au Pérou, présente une maladie fébrile. Ce voyage de trois semaines l'avait emmenée, entre autres lieux, au Machu Picchu, région ou B.bacilliformis est endémique.
La patiente est fébrile et rapporte une insomnie, des myalgies, des nausées, des maux de tête et une toux légère. Elle présente une éruption maculaire diffuse au deuxième jour. La fièvre monte jusqu'à 38,9 °C pendant les quatre premiers jours, puis baisse les trois jours suivants, puis récidive au huitième jour, et baisse à nouveau.
Lorsque la patiente consulte au huitième jour, son examen révèle une splénomégalie et des piqûres d'insectes cicatrisant sur ses jambes. On lui découvre une anémie modérée, qui se résoudra six semaines après.
A l'examen microscopique d'une goutte de sang, aucune bactérie ou plasmodium intraérythrocytaire n'est décelé. La patiente reçoit à titre empirique un antibiotique (lévofloxacine) pour cinq jours. Une semaine plus tard, elle est asymptomatique et sans fièvre.
La culture sanguine devient positive deux semaines après ; il s'agit d'un petit bacille Gram négatif, très similaire au B.bacilliformis, qui apparaît en microscopie électronique. Elle reçoit alors une seconde antibiothérapie (clarithromycine, dix jours). Une culture sanguine ultérieure confirmera l'éradication bactérienne.
Etroitement apparentée à B.clarridgeiae.
«Sur la base des données cliniques, épidémiologiques et microbiologiques, nous présumions initialement que la petite bactérie fragile, isolée du sang, était B. bacilliformis », notent les chercheurs. Cependant, l'analyse génétique de l'organisme a révélé une nouvelle espèce de Bartonella. Cette espèce était étroitement apparentée, mais distincte, à B.clarridgeiae ; les chercheurs l'ont nommée B.rochalimae.
B.clarridgeiae est reconnue pour infecter le chat (36 % en Europe), mais elle n'a jamais été isolée chez l'homme, y compris chez les patients atteints de la maladie des griffes du chat. Cette nouvelle identification soulève un certain nombre de questions.
La source de la transmission n'a pu être identifiée, bien que la patiente ait noté des piqûres d'insectes sur ses jambes et ses pieds durant le voyage. Toutefois, comme la nouvelle espèce est presque identique génétiquement à un micro-organisme trouvé précédemment chez une puce parasitant un homme péruvien, il est possible que le vecteur de transmission soit une puce. La distribution pourrait être alors quelque peu différente de la fièvre d'Oroya.
Il sera intéressant de déterminer la maladie humaine associée à ce nouveau pathogène. Certains cas de fièvre d'Oroya pourraient représenter, en fait, une infection par la nouvelle espèce. On peut aussi se demander si ce pathogène peut causer des verrues péruviennes.
«Cette patiente aurait été considérée comme atteinte d'une fièvre d'Oroya si les investigateurs n'avaient pas été aussi consciencieux et n'avaient pas identifié avec précision la bactérie retrouvée dans le sang, souligne, dans un commentaire, le Dr Gary Wormser (New York Medical College, Valhalla). Une recherche aussi méticuleuse, du chevet du malade au laboratoire, est essentielle pour la découverte de maladies infectieuses nouvelles ou jusqu'ici non reconnues. »
« New England Journal of Medicine », 7 juin 2007, Eremeeva et al, pp. 2381 et 2346.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature