L E terme de diabète insulinodépendant regroupe un ensemble de syndromes hétérogènes qui peuvent survenir à différents âges de la vie. La forme néonatale de cette affection - définie par des hyperglycémies nécessitant un traitement par injections d'insuline - se révèle dès les premiers jours de la vie et elle est généralement associée à un retard de croissance intra-utérin. Comme tout diabète insulinodépendant, la forme néo-natale est, elle aussi une entité hétérogène qui peut se manifester par des troubles de la glycémie transitoires ou définitifs. On sait que ces diabètes transitoires sont associés avec des anomalies du chromosome 6. Les formes définitives sont, elles, en rapport avec des mutations du facteur 1 promoteur de l'insuline, facteur qui induit une agénésie du pancréas.
Dans ce contexte, une équipe de diabétologues norvégiens rapporte dans le « New England Journal of Medicine » des cas de diabète néonatal qui sont liés à un autre mécanisme enzymatique que ceux décrits jusqu'à présent : une déficit complet d'une enzyme clé de la régulation du métabolisme du glucose et de la réponse insulinique des cellules bêta pancréatiques, la glucokinase, dont le gène est porté par le chromosome 7.
Parents cousins germains suspects d'intolérance au glucose
Le premier cas rapporté par l'équipe du Dr R. Nolstad (Bergen) est celui d'un nouveau-né de sexe féminin présentant un retard de croissance intra-utérin (née à 36 semaines de gestation, poids 1,670 kg). Ses parents étaient cousins germains (d'origine norvégienne) et ils présentaient tous deux des symptômes d'intolérance au glucose. Outre son retard de croissance intra-utérine, la fillette était porteuse d'un situs inversus complet. Au premier jour de sa vie, la glycémie était de 8,1 mmol/l et le lendemain, elle s'est élevée à 17 mmol/l. Un traitement par insuline a donc été mis en route (0,75 UI/kg/j). « Le contrôle glycémique a été difficile à obtenir », font remarquer les médecins. Un bilan systématique n'a pas permis de retrouver d'anticorps anti-insuline, anti-acide glutamique décarboxylase et antimolécule IA-2 (une protéine tyrosine phosphatases-like, cible majeure des anticorps anti-îlots cytoplasmiques).
A l'âge de 5 ans, la fillette a développé une épilepsie - conséquence probable d'un abcès néonatal qu'elle avait présenté - et, en dépit d'un développement moteur normal, ses capacités psychologiques et cognitives étaient inférieures à celles des enfants de son âge.
A l'âge de 7 ans, sa sœur a, elle aussi, développé un diabète insulinodépendant. Par ailleurs, un diagnostic de diabète gestationnel a été porté chez la mère ; enfin, son père a présenté une intolérance au glucose, traitée efficacement par un régime.
Retard de croissance intra-utérin
Le second cas a été décrit chez une enfant d'origine italienne, née à 38 semaines de gestation avec un retard de croissance intra-utérin (1,650 kg). Dès la naissance, sa glycémie était élevée (40 mmol/l) et elle a donc été traitée par insulinothérapie (2 UI/kg/j). Aucun anticorps anticellules pancréatiques n'a été détecté et les concentrations sériques basales de C-peptide, déjà basses à la naissance, ont continué à décroître au cours des premières années de vie. A l'âge de 8 ans, lorsqu'elle a été intégrée dans l'étude, elle ne présentait aucune complication d'origine diabétique et ses parents étaient, l'un, atteint d'hyperglycémie matinale, l'autre, d'une intolérance au glucose.
Etude génétique
Les chercheurs norvégiens ont procédé à une étude génétique sur les familles des deux enfants atteints en s'attachant plus particulièrement à la caractérisation de certains gènes connus pour leur influence sur le développement et le fonctionnement des cellules bêta. Chez la première fillette, ils n'ont trouvé aucune mutation concernant les gènes codant pour les facteurs nucléaires 1 alpha et 4 alpha des noyaux hépatocytaires, pour le facteur 1 promoteur de l'insuline, pour le facteur de différentiation neurogénique 1 ou pour l'homologue 2 de l'homeobox NK-2. « Mais nous avons mis en évidence une mutation - jusqu'alors inconnue - de l'exon 6 du gène de la glucokinase, qui induit une substitution de la méthionine en lysine », expliquent les auteurs. L'enfant était homozygote pour cette mutation alors que ses parents et frères et sœurs étaient tous hétérozygotes. Globalement, dans cette famille, tous les cas de diabète étaient liés à la présence de ce gène qui n'a, en revanche, pas été retrouvé chez 50 sujets témoins appartenant à une population d'origine similaire.
Chez la seconde fillette, une mutation de l'exon 7 de ce même gène a été mise en évidence. Bien que ses parents n'aient eu aucun lien de parenté, ils étaient tous deux porteurs hétérozygotes de ce gène.
Diabète MODY
Les auteurs rappellent que « des souris knock out pour le gène de la glucokinase présentent, elles aussi, un retard de croissance intra-utérin et une hyperglycémie dès la naissance. Enfin, chez l'homme, bien qu'on ne connaisse pas précisément l'incidence des mutations sur le gène de la glucokinase, on sait qu'elles sont aussi à l'origine de diabètes de type MODY (Maturity-Onset Diabetes of the Young, diabète non insulinodépendant apparaissant au cours de l'adolescence) souvent mal diagnostiqués en raison d'un tableau clinique frustre en début de maladie ».
« New England Journal of Medicine », vol. 344, n° 21, pp. 1588-1592, 24 mai 2001.
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