DE NOTRE CORRESPONDANT
LE DR CLAUDINE LE BERRE n’est pas peu fière d’ouvrir les portes de la dernière des cinq banques de sang placentaire que gère l’EFS*. Après Créteil, Lyon-Grenoble (ces deux dernières ayant ouvert en 2009), Bordeaux et Besançon, et avant Lille qui va ouvrir en 2011, c’est donc Rennes que l’EFS a choisi pour compléter son maillage du territoire national et atteindre l’objectif de 30 000 greffons (il est aujourd’hui de 10 000) en 2013 fixé par l’Agence de la biomédecine. « Rennes était tout indiqué pour accueillir cette nouvelle banque en raison de son haut niveau d’expertise sur le prélèvement – il est le premier centre français de recrutement de donneurs de moelle osseuse – et la greffe de moelle osseuse », a souligné le Dr Gilbert Semana, directeur de l’EFS Bretagne.
Cette nouvelle activité, qui a débuté le 2 novembre, va monter progressivement en puissance.Techniquement, que cela soit pour les sages-femmes et médecins effectuant les prélèvements au moment de la naissance et que l’EFS a commencé à former, ou pour l’équipe de l’EFS qui va devoir traiter dans les 6 000 dons chaque année si elle veut atteindre les 1 500 cordons valables demandés par l’Agence nationale pour 2011. Pour avoir la trentaine de dons de sang de cordon stockés sur les trois premières semaines à Rennes, il a fallu en traiter en réalité une centaine, à raison de trois heures par prélèvement reçu. « Nous avons eu 70 % de destruction jusqu’à présent », précise le Dr Le Berre. C’est la grosse difficulté de l’exercice. Il faut prélever beaucoup pour stocker suffisamment : en 2009, seulement 27 % des unités réceptionnées par les banques de l’EFS ont été validées et inscrites au registre France Greffe du moelle. Cela ne peut se faire qu’au prix d’une logistique implacable. « Une organisation d’enfer ! », selon la responsable de l’unité.
Disponibles rapidement.
Mais, cette montée en puissance technique ne servira à rien si le public ne suit pas. C’est le véritable défi de l’opération. Et un défi à la hauteur de l’enjeu sanitaire actuel : le recours à la greffe de sang de cordon augmente. Même si un tassement peut être constaté entre 2008, année où elles ont représenté 22,5 % de l’ensemble des greffes de cellules souches hématopoëtiques réalisées en France, et 2009 où elles concernaient 16 % de ce type de greffes. Utilisés principalement pour soigner les leucémies, mais aussi le lymphome non hodgkinien, les myélodysplasies, le myélome multiple, l’aplasie médullaire, les déficits immunitaires congénitaux chez l’enfant (« bébés bulles ») et différentes maladies héréditaires comme l’anémie de Fanconi ou la bétathalassémie, voire demain d’autres pathologies, ces greffons présentent l’avantage d’être disponibles rapidement, quand l’organisation d’un don de moelle osseuse nécessite trois à quatre semaines. La demande progresse également, car, hier réservé à l’enfant, le sang de cordon peut dorénavant être greffé chez des adultes.
L’autre enjeu est financier. Car, face à une demande croissante mais confronté au peu de stocks – en 2008, seules 7 000 unités étaient congelées –, donc à une chance minime de trouver le greffon compatible, le Réseau français de sang placentaire, qui réunit les établissements publics de conservation de sang de cordon, est toujours obligé d’importer des greffons. En 2009, 70 % de ceux utilisés proviennent d’un pays étranger. À raison de 15 000 à 25 000 euros le greffon, l’Assurance-maladie a déboursé plus de 4 millions d’euros pour cette seule année.
Naissance et renaissance.
Les trois maternités de l’agglomération rennaise qui ont accepté de participer à cette nouvelle banque ont donc la pression. Car pour fournir les 500 prélèvements demandés, il faudra obtenir a priori 1 500 à 2 000 accords pour effectuer le don. Au Centre hospitalier privé (CHP) de Saint-Grégoire (2 800 accouchements par an), comme à la maternité du CHU ou à celle de la clinique de la Sagesse, la sensibilisation des futures mamans a commencé. Pour le Dr Jean-Claude Palaric, gynécologue-obstétricien au CHP, le taux d’adhésion est très important. « Elles sont très sensibles au fait que ce don, indolore et qui concerne une pièce anatomique détruite si elle n’est pas utilisée, peut permettre à une autre personne de vivre. Cette idée de coupler naissance et renaissance est un facteur de motivation fort, y compris pour le personnel et malgré le surcroît de travail réel », explique ce médecin.
Aidé financièrement par l’EFS, l’établissement de Saint-Grégoire a pu dégager complètement une sage-femme pour cette activité. Le travail en amont de celui de la banque de l’EFS est conséquent. Outre la consultation spécifique qu’il faut mener au début du 8e mois pour informer et recueillir l’accord de la parturiente, il va falloir former les 35 sages-femmes suivant les exigences strictes définies par l’EFS. Si le geste permettant le recueil du sang, après que le cordon ait été coupé et avant l’expulsion du placenta, est simple et ne prend que de 2 à 5 mn, une grande attention doit être portée à l’étiquetage et à la non-contamination du prélèvement dans un environnement pourtant très septique.
L’écueil principal observé généralement dans les maternités déjà impliquées dans cette chaîne concerne la difficulté de faire revenir les mamans deux mois après la naissance pour que soient effectués de nouveaux examens sérologiques, dernière étape avant la validité définitive du don. La présence d’un autocollant dans le carnet de santé de l’enfant, signalant qu’un prélèvement a été effectué, devrait permettre de sensibiliser les médecins traitants qui, à leur tour, pourront relancer la maman dans ce sens.
* En dehors des banques de l’EFS, trois autres banques de ce type fonctionnent en France, à l’hôpital Saint-Louis, à Paris (précurseur dans la greffe de sang de cordon), au CHU de Montpellier (ouvert en 2010) et à l’Institut Paoli-Calmettes, à Marseille.
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