De notre correspondante
à New York
« NOTRE ETUDE suggère que la cible des facteurs de virulence représente une nouvelle approche pour le développement des antibiotiques, par rapport aux approches traditionnelles qui ciblent un processus bactérien essentiel in vitro », souligne au « Quotidien » le Dr Deborah Hung (microbiologie et génétique moléculaire, Harvard, Boston) qui a dirigé ces travaux. « Cette approche pourrait ne pas provoquer la même résistance que les antibiotiques conventionnels », ajoute-t-elle.
« Nous nous attachons actuellement à caractériser plusieurs analogues structurels de la virstatine afin d'optimiser leur activité et leurs propriétés pharmacologiques, avant d'envisager des essais précliniques », confie-t-elle.
Le choléra est une maladie diarrhéique, due au bacille Gram négatif Vibrio cholerae.
Toxine cholérique et protéine TCP.
Les souches bactériennes responsables du choléra (sérogroupes O1 et O139) sont transmises par voie orale à partir d'eau ou d'aliments contaminés. Une fois dans l'intestin, les vibrions sécrètent deux facteurs majeurs de virulence, la toxine cholérique (TC) et la protéine TCP (Toxin Co-regulated Pilus). La toxine cholérique induit une augmentation des taux d'AMPc dans les cellules épithéliales et produit ainsi la diarrhée sécrétrice, tandis que la PCT jouerait un rôle dans l'attachement précoce des vibrions à l'épithélium intestinal et est nécessaire pour la colonisation intestinale dans un modèle murin.
Le traitement du choléra est basé sur la réhydratation rapide des patients. L'antibiothérapie peut être utile dans les cas graves, mais l'émergence de souches de vibrions cholériques multirésistantes aux antibiotiques en limite de plus en plus l'indication.
Les antibiotiques actuels, pour la majorité, ciblent un nombre relativement petit de processus bactériens, comme la synthèse de la paroi bactérienne, la réplication de l'ADN, la transcription de l'ARN, la synthèse protéique et la synthèse des folates.
Résistance croissante aux antibiotiques.
La résistance croissante aux antibiotiques oblige à développer de nouvelles approches pour combattre les infections.
« L'expression des gènes de virulence in vivo représente, pour la recherche d'antibiotiques, une cible qui n'a pas encore été explorée », déclarent Hung et coll. dans « Science » en ligne.
Ces chercheurs ont utilisé un processus de criblage à haut débit afin d'identifier dans une bibliothèque de 50 000 petites molécules (Chembridge) celles qui inhibent l'expression du gène de la toxine cholérique.
Ils ont ainsi identifié une petite molécule, 4-[N-(1,8-naphtalimide)]-n-butyric acid, qu'ils ont appelée virstatine. En inhibant le facteur de transcription ToxT, la virstatine inhibe l'expression de la toxine cholérique (TC) et de la PCT.
Il restait à évaluer son efficacité chez la souris.
Succès chez la souris.
L'administration orale de la virstatine à des souriceaux âgés de 5 jours, concomitante à l'inoculation d'une souche cholérique, empêche la colonisation intestinale par les vibrions cholériques.
Enfin, plus important encore : l'administration retardée de la virstatine douze heures après l'inoculation de la souche cholérique, réduit considérablement la colonisation intestinale par V. cholerae.
« Ce résultat démontre que des médicaments tels la virstatine, à l'instar des antibiotiques conventionnels, pourraient être utiles même après le diagnostic de la maladie », notent les chercheurs.
« Nous pensons que des médicaments comme la virstatine pourraient agir de façon synergique avec les antibiotiques conventionnels, car ils agissent à travers des mécanismes indépendants pour bloquer la réplication ou la survie bactérienne in vivo . »
« Science », 13 octobre 2005, Hung et coll., www.sciencexpress.org.
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