« Notre travail explique un composant important, mais inattendu, de la toxicité du paracétamol », souligne, dans un communiqué, le Pr David Moore, du Baylor College of Medicine, à Houston, qui a dirigé ces travaux. « Il suggère aussi une nouvelle approche pour traiter l'hépatotoxicité. » Lorsqu'une personne avale de l'acétaminophène (ou paracétamol), le foie convertit ce médicament en un compose réactif, le NAPQI (N-acétyl-p-benzoquinone), potentiellement néfaste s'il n'est pas neutralisé. Normalement, le foie utilise le glutathion pour neutraliser rapidement le NAPQI. Mais le problème survient lorsqu'il n'y a plus assez de glutathion pour neutraliser le NAPQI.
« L'ingestion de doses excessives (ou l'overdose) de paracétamol est la principale cause d'admission à l'hôpital pour une insuffisance hépatique aiguë aux Etats-Unis », précisent les chercheurs. « L'ingestion de paracétamol à des doses seulement deux à trois fois plus fortes que les doses maximales recommandées par jour peut causer une hépatotoxicité, et des doses plus élevées entraînent une nécrose centrolobulaire qui est potentiellement fatale. » Sachant que la toxicité du paracétamol est accrue, chez l'homme et les rongeurs, après traitement par divers inducteurs de l'expression du gène CYP, comme l'éthanol et le phénobarbital, et ayant appris récemment que le récepteur CAR médie les effets du phénobarbital, Zhang, Moore et coll. ont étudié les effets du phénobarbital et d'autres agonistes CAR sur la toxicité de l'acétaminophène chez la souris.
Le récepteur CAR est essentiel
Ils ont tout d'abord montré que le récepteur CAR est essentiel pour médier la toxicité hépatique du paracétamol. Ainsi, tandis que l'administration combinée de phénobarbital et de paracétamol induit chez la souris normale une hépatoxicité, le même traitement chez la souris knock-out en gène CAR n'induit aucune hépatoxicité. Ils ont aussi observé chez les souris normales que les activateurs connus de CAR (phénobarbital par exemple), ou des doses élevées de paracétamol, induisent l'expression de trois enzymes qui métabolisent le paracétamol, et augmentent ainsi la toxicité. « Nous avons constaté que des doses élevées de paracétamol activent CAR ; lequel active ensuite des gènes cibles qui augmentent la toxicité », explique le Pr Moore. « Cela crée un cercle vicieux dans lequel le paracétamol aggrave en fait sa propre toxicité. En raison de l'absence de ce cycle, les souris dépourvues de CAR sont partiellement résistantes à des doses élevées d'acétaminophène. »
Les chercheurs ont ensuite traité les souris normales par l'androstanol, un antagoniste de CAR qui inhibe l'activité du récepteur CAR. L'administration d'androstanol, même une heure après l'administration de doses élevées de paracétamol, protège les souris normales de l'hépatoxicité, mais non chez les souris knock-out privées du récepteur CAR.
On cherche des inhibiteurs
Les chercheurs concluent que « CAR est un médiateur central de la toxicité du paracétamol chez les souris, et potentiellement aussi chez les hommes ».
Les traitements actuels de l'intoxication reposent principalement sur des agents réducteurs qui rechargent le foie en glutathion. Ce traitement est efficace à condition qu'il soit donné à temps.
L'inhibition du récepteur CAR « fournirait une approche complètement différente pour traiter la toxicité du paracétamol et peut-être la toxicité hépatique associée à d'autres agents pour lesquels il n'y a pas de traitement actuellement disponible », déclare le Pr Moore. Pour l'instant, on ne connaît pas encore des inhibiteurs efficaces du récepteur CAR humain ; l'androstane est peu efficace sur le récepteur CAR humain. Des études pour identifier de tels inhibiteurs sont en cours.
« Science » du 11 octobre 2002, p. 422.
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