EN SUIVANT les nombreuses pistes engagées pour identifier les causes du diabète de type 2, on a découvert que le tissu adipocytaire constitue un organe endocrine qui sécrète tout un lot de protéines qui ont été nommées « adipokines ». Fonctionnant comme des hormones, les adipokines sont capables d’agir sur des organes à distance et d’intervenir dans des fonctions aussi essentielles que la régulation de l’appétit, le poids corporel, la dépense énergétique et la sensibilité à l’insuline. La leptine, découverte en 1995, représente le prototype de ces adipokines. Mais d’autres ont été caractérisées : l’adiponectine, le TNF alpha, la résistine.
Dans le numéro d’aujourd’hui du « New England Journal of Medicine », Timothy Graham et coll. (université d’Harvard, Boston) présentent des données qui font supposer que le RBP4 (retinol-binding protein 4), une autre protéine produite par les adipocytes, est susceptible de réguler une voie d’action de l’insuline et de jouer un rôle dans l’insulinorésistance.
Induire une insulinorésistance.
Des études antérieures du même groupe avaient montré que des souris dont les adipocytes sont privés du transporteur 4 du glucose (GLUT4) ont un foie et des muscles résistants à l’insuline. Une observation qui indique que les tissus adipeux résistants à l’insuline sont susceptibles de sécréter un facteur qui peut induire une insulinorésistance dans d’autres organes.
L’analyse d’échantillons de tissu des souris par micropuces a montré une augmentation substantielle de l’expression du RBP4.
Les auteurs ont aussi montré que des taux élevés de RBP4 créent une résistance à l’insuline dans les muscles et provoquent une augmentation de l’expression d’une enzyme impliquée dans la néoglucogenèse (la phosphoenolpyruvate carboxylase) du foie.
Leur dernière publication étend la recherche aux humains en montrant une corrélation entre les niveaux de RBP4 et l’ampleur de l’insulinorésistance chez des sujets obèses, ou intolérants au glucose, ou atteints de diabète de type 2.
La présence d’une élévation du RBP4 est associée à des composants du syndrome métabolique : augmentation de l’indice de masse corporelle, du rapport taille/ hanches, de la triglycéridémie, de la pression artérielle systolique et diminution du cholestérol HDL.
Se modifie avec les interventions.
Chez les sujets intolérants au glucose, l’entraînement physique a permis une réduction de l’excès du RBP4. Le RBP4 est donc corrélé avec la résistance à l’insuline et se modifie avec les interventions qui améliorent la sensibilité à l’insuline, comme l’exercice. Ce qui confirmerait le statut d’adipokine du RBP4. De plus, on s’aperçoit que les taux de RBP4 sont inversement corrélés au niveau du GLUT4 dans les adipocytes, l’un des traits physiopathologiques de la résistance à l’insuline.
«L’étude a été menée sous forme transversale, ce qui ne permet pas de savoir si la RBP4 joue un rôle causal dans la pathogénie de la résistance à l’insuline et du diabète de type2, ou si un taux élevé de RBP4 est simplement corrélé à un biomarqueur d’une résistance à l’insuline, ou bien constitue lui-même ce biomarqueur», fait remarquer un éditorialiste.
Les chercheurs s’interrogent. Quelles peuvent être les voies de signalisation activées ou inhibées par le RBP4 ? Une augmentation du RBP4 entraîne-t-elle la réduction hépatique d’activité du GLUT4 ou bien en est-elle une conséquence ? Des variations génétiques du gène duRBP4 sont-elles corrélées à des modulations du risque de diabète de type 2 ou de la résistance à l’insuline ? Enfin, sur un plan thérapeutique, peut-on envisager l’administration d’un rétinoïde de synthèse, tel que la fenretinide, qui réduit les taux sériques de RBP4 et le contenu corporel total en rétinol, afin d’améliorer la sensibilité à l’insuline chez les humains ?
L’étude de Graham et coll. indique la voie vers de nouvelles investigations qui vont permettre de définir l’action biologique du RBP4 et de proposer de nouvelles recherches thérapeutiques.
« New England Journal of Medicine », 15 juin 2006, pp. 2552-2563 et pp. 2596-2598 (éditorial).
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