« La notion de démence sénile, trop stigmatisante et peu précise sur le plan physiopathologique tend à disparaître pour être remplacée par celle de maladies neurodégénératives à expression cognitive. Ces dernières peuvent débuter précocement (avant 65 ans) et les stades débutants et présymptomatiques sont justement les plus étudiés actuellement. Ceci mène le clinicien à un « staging » de ces maladies et à une approche physiopathologique plus fine, avec notamment la recherche de la protéinopathie responsable », insiste le Pr Pariente.
Un diagnostic pas si évident
Faire un diagnostic de maladie d'Alzheimer demande la mise en œuvre d'un bilan par un médecin, par un neuropsychologue, ainsi qu'une IRM et une recherche de biomarqueurs (T-tau et Aβ42) via une ponction lombaire. « Sans ces biomarqueurs, la marge d'erreur diagnostique est de l'ordre de 30 %, ce qui est important. La recherche de marqueurs amyloïdes au Pet-scan donne également de bons résultats, mais elle ne se fait pas encore en France en pratique courante, pour des raisons de coûts ». Si ces biomarqueurs - qui apparaissent des années avant les premiers symptômes - sont négatifs, cela signifie que les patients testés n'ont pas la maladie d'Alzheimer car ces biomarqueurs ont une bonne valeur prédictive négative.
Le diagnostic de la maladie d'Alzheimer est plus sûr que celui des autres maladies neurodégénératives à expression cognitive, pour lesquelles il n'y a pas encore de biomarqueurs spécifiques identifiés. Il existe d'ailleurs beaucoup de recherche dans le monde pour retrouver des éléments dans la biologie du sang, dans la ponction lombaire, à l'IRM, etc., susceptibles de mettre les médecins sur leur voie. « C'est un point essentiel, car sans approche physiopathologique précise, les essais thérapeutiques, vont inclure des patients très hétérogènes » insiste le Pr Pariente.
Des essais thérapeutiques de plus en plus précoces
En 2015, un grand essai thérapeutique visant à tester un anticorps monoclonal anti-amyloïde (le bapineuzumab) dans la maladie d'Alzheimer, s'est avéré négatif : or après analyse plus fine, il en est ressorti que 30 % des patients qui avaient été inclus n'avaient pas d'amyloïde et donc pas de maladie d'Alzheimer en réalité. De quoi expliquer ces mauvais résultats ! Depuis, les essais thérapeutiques ciblent des patients dont on est sûr qu'ils ont la protéine amyloïde. Malgré cette précaution, l'essai avec l'anticorps monoclonal (le solazenumab) s'est aussi soldé par un échec. Pourquoi ? Bonne question ! Cela peut signifier que même au stade précoce de la maladie, on agit encore trop tardivement. C'est pourquoi la tendance actuelle est de s'intéresser à la maladie d'Alzheimer au stade présymptomatique.
« Dans l'essai DIAN-TU qui a débuté il y a 3 ans, des sujets sains mais porteurs d'une mutation génétique (très rare dans la maladie d'Alzheimer) qui conduit au développement de la maladie, reçoivent des anticorps monoclonaux, quinze ans avant l'âge auxquels leurs parents ont débuté la maladie. L'essai DIAN-TU teste des médicaments dont l'objectif est d'éliminer le peptide amyloïde du cerveau à différents moments du processus de production des plaques. Un premier point doit être fait à cinq ans (avec des réponses attendues en 2019). Si l'essai s'avère concluant, cela signifiera que l'on a été capable de détecter une maladie avant son stade symptomatique pour infléchir l'âge de début de la maladie, ce qui représenterait une avancée majeure ».
En parallèle, un essai similaire est en cours chez des patients de 65 ans et plus, au stade pré symptomatique : ceux qui sont « amyloïde - négatifs » reçoivent un placebo et ceux qui sont « amyloide - positifs », un médicament ou un placebo, afin de voir s'il est aussi possible d'agir à ce stade précoce. « Enfin, beaucoup d'études s'intéressent aux comorbidités (notamment vasculaires) afin de voir pour un même patient, quelle est la part de la responsabilité des différentes physiopathologies : là encore, ce type d'étude est indispensable car une comorbidité vasculaire importante pourrait expliquer pourquoi l'effet anti amyloïde est finalement trop petit pour être visible alors qu'il existe bel et bien », conclut le Pr Pariente.
D’après un entretien avec le Pr Jérémie Pariente, unité de neurologie cognitive, épilepsie et pathologie du mouvement, centre mémoire et langage, hôpital Pierre Paul Riquet, Toulouse neuro imaging centre - UMR 1214 Inserm/Université
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