THEATRE
PAR ARMELLE HELIOT
Philippe Adrien plonge cette comédie-ballet de 1669 (dont on dit qu'elle doit sa fantaisie à la comedia dell'arte) dans les tons lugubres d'un cauchemar subi par le personnage de Pourceaugnac pris dans les machinations sadiques d'une poignée d'hommes et de femmes prêts à tout pour le briser. On évolue dans un univers cauchemardesque que souligne la musique aux éclats troublants de Ghédalia Tazartès, le décor inquiétant de Gérard Didier, les lumières glauques de Lauriano de La Rosa. Tout ici concourt à l'angoisse sans que jamais ne soient écrasées les puissances comiques mises en uvre par un Molière qui s'attaque comme jamais à la médecine et aux médecins...
Adrien avait déjà monté « Monsieur de Pourceaugnac » il y a une quinzaine d'années avec Jean-Pol Dubois dans le rôle-titre. Bruno Raffaelli a plus de naturelle faconde et il se glisse avec aisance dans les vêtements d'un bouffon, grand escogriffe encombré de son corps, qui apparaît comme un géant naïf, pas méchant pour un sou. Raffaelli passe de la superbe de l'avocat de Limoges content de sa bonne fortune, aux affres d'un être pris dans les rêts de conspirations spectaculaires et d'une cruauté extravagante.
On n'est plus du tout du côté du divertissement même si l'on ne cesse de rire, car le metteur en scène, comme ses très bons interprètes, savent conserver le caractère farcesque de la comédie. Mais c'est une farce noire, plombée, et le bouffon est aussi haute figure tragique.
Bruno Raffaelli est remarquable, mais chacun ici tient sa partition avec une autorité et une libre virtuosité. Adrien s'intéresse beaucoup à l'énigme que représente la belle Julie. Que veut-elle, en fait ? La question ne cesse d'affleurer, discrètement, et cette activation renouvelle la vision de la comédie. Anne Kessler prête à la jeune fille sa grâce crissante, quelque chose de piquant, d'aigü, qui trouble. Face à elle, Denis Podalydès est un Eraste très ambigü, un être qui échappe, parfaitement dans le ton du spectacle comme l'est le Sbrigani de Bruno Putzulu, parfaitement décidé à en découdre.
Autour d'eux, c'est la grande maison dans le déploiement de ses talents : Thierry Hancisse en terrible médecin, tout comme Pierre Vial, Cécile Brune, Lucette et une paysanne, très drôle, énergie tendue, parfaite comme l'est Catherine Ferran dans le rôle de Nérine, et Alain Pralon dans celui du père, Oronte.
Un beau travail de troupe, intelligent et vif, et qui, sans noircir outrancièrement le divertissement, va chercher loin, dans le cur même de Molière, son acidité corrosive.
Théâtre du Vieux-Colombier, à 19 heures le mardi, à 20 heures, en matinée le dimanche à 16 heures. Durée : 1 h 40 sans entracte (01.44.39.87.00 ou 87.01).
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