Jusqu'ici, huit formes génétiques de déficit immunitaire combiné sévère (SCID pour « Severe Combined ImmunoDeficiency ») étaient connues. Une neuvième variante de la maladie vient d'être découverte par une équipe de l'université de Toronto. Elle est associée à un blocage complet de la différenciation des lymphocytes T, mais n'affecte ni les lymphocytes B, ni les cellules « natural killers », ni les autres lignées hématopoïétiques. Une étude génétique a permis à Dadi et coll. d'établir que cette forme de SCID est provoquée par une mutation du gène codant pour le CD3-delta.
Trois bébés apparentés
Dadi et coll. ont découvert ce variant du SCID en étudiant le cas de trois bébés apparentés. Deux des trois jeunes patients sont morts avant l'âge de 4 mois à la suite d'une infection virale généralement bénigne (adénovirus et cytomégalovirus). Une troisième cousine est née. Compte tenu de l'histoire familiale, l'enfant a été examinée immédiatement après sa naissance. Un SCID a alors été diagnostiqué.
Chez les trois malades, il est apparu que le nombre de lymphocytes T CD3+ matures circulant dans le sang était très faible (de 3 à 7 cellules par millimètre cube). Aucune cellule T CD4+ ou CD8+ n'a pu être détectée par analyse en cytométrie de flux. En revanche, le nombre de cellules B, ainsi que celui de natural killers, était normal chez les trois bébés. En outre, aucun des trois enfants ne présentait d'anomalie structurale du thymus observable par radiographie ou ultrasonographie.
Ces données cliniques ont conduit Dadi et coll. a émettre une hypothèse selon laquelle les trois cousins souffraient d'une forme de SCID associée à un dysfonctionnement d'un gène contrôlant la différenciation des lymphocytes T.
La protéine CD3-delta totalement indétectable
Afin d'identifier ce gène, les chercheurs ont comparé le niveau d'expression génétique dans les cellules du thymus des jeunes malades à celui mesuré dans le thymus de contrôles sains. Dans ce but, ils ont eu recours aux puces à ADN. L'analyse a révélé que les ARN messagers codant pour les CD3-delta étaient moins nombreux dans les cellules des malades que dans celles des contrôles. En poursuivant leur étude, Dadi et coll. ont observé que la protéine CD3-delta elle-même était totalement indétectable dans les cellules thymiques des malades. Les auteurs ont finalement démontré que les trois bébés étaient porteurs homozygotes d'un allèle muté du gène codant pour cette protéine : l'allèle des malades comporte une transition C vers T à la position 202 du gène. Cette mutation introduit prématurément un codon stop dans l'ARN messager et, en conséquence, la protéine codée ne peut être synthétisée.
Si pratiquement aucun lymphocyte T mature ne circule dans le sang des malades atteints par cette forme de SCID, Dadi et coll. ont observé un nombre anormalement élevé de précurseurs des cellules T dans leur thymus. Il semble donc que l'absence de CD3-delta empêche la différenciation de ces précurseurs en cellules matures : les précurseurs s'accumulent, mais aucune cellule T mature ne peut être produite.
Ce travail révèle donc non seulement l'existence d'une nouvelle forme de SCID, mais aussi le rôle essentiel de CD3-delta dans les mécanismes de différenciation des lymphocytes T.
H. K. Dadi et coll., « New England Journal of Medicine », 6 novembre 2003, pp. 1821-1828.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature