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Une nécrose du scalp : à quoi pensez-vous ?

Publié le 22/04/2002
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PRATIQUE

Observation

Un patient de 78 ans, sans antécédent médical particulier, était adressé dans le service de dermatologie pour un placard nécrotique purulent extensif de la région temporo-occipitale droite dans un contexte fébrile à 39 °C. L'interrogatoire révélait la notion d'une éruption douloureuse érythémato-croûteuse de l'hémiface droite et du cuir chevelu homolatéral la semaine précédente. Le bilan biologique révélait un syndrome inflammatoire marqué.

Question 1

Quel est votre diagnostic ?
A. Maladie de Horton.
B. Fasciite nécrosante du scalp compliquant un zona.
C. Escarre du cuir chevelu.
D. Angiosarcome.
E. Cellulite disséquante du scalp d'Hoffmann.

Question 2

L'examen clinique complémentaire retrouvait de multiples adénopathies axillaires. Quel est votre conduite à tenir ?
A. Bilan d'immunodépression (NFS, plaquettes, EPS...).
B. Glycémie.
C. Biopsie cutanée.
D. Prélèvement bactériologique à l'écouvillon.
E. Biopsie ganglionnaire.

Suite de l'observation

L'évolution dans le service sera marquée par l'apparition d'une pancytopénie. La biopsie d'une adénopathie axillaire et la biopsie ostéo-médullaire conclura à un lymphome non hodgkinien agressif à petites et grandes cellules de phénotype B et de stade IV.

Question 3

Que faites-vous sur le plan thérapeutique dans l'immédiat ?
A. Soins antiseptiques locaux.
B. Traitement antiviral local (Zovirax).
C. Traitement antiviral général (Zovirax IV).
D. Antibiothérapie générale (IV) et discussion de détersion chirurgicale.
E. Isolement.
Question 4

Quelles sont les autres complications possibles d'un zona ?
A. Paralysie sensitivo-motrice dans le même territoire que l'éruption
B. Ulcération neurotrophique
C. Généralisation
D. Passage à la chronicité
E. Atteinte ophtalmologique

Réponse 1

Réponse B.
La maladie de Horton peut s'accompagner assez rarement d'une nécrose du cuir chevelu à début temporal mais elle est souvent précédée d'un tableau de céphalées temporales. Le risque de surinfections bactériennes lors d'un zona est réel mais le plus souvent localisé à type d'impétiginisation. Des cas plus sévères avec fasciite nécrosante sont décrits. Lors des infections à VZV, les germes le plus souvent impliqués sont le staphylocoque doré et/ou le streptocoque pyogène avec, actuellement, en particulier la varicelle, une augmentation de la fréquence des coïnfections graves à streptocoque b hémolytique. L'évolution et le contexte ne sont pas en faveur d'une escarre. L'angiosarcome, tumeur développée aux dépens de l'endothélium des vaisseaux sanguins et lymphatiques, atteint préférentiellement la région cervico-faciale chez le sujet âgé. La présentation, parfois rapidement évolutive, est celle d'une macule ecchymotique d'évolution tumorale. Parfois, l'aspect est œdémateux et inflammatoire, évocateur de cellulite, mais une telle évolution nécrotique exclut ce diagnostic. La cellulite disséquante du scalp réalise une triade acnéique faite d'abcès douloureux intercommuniquants du cuir chevelu associés à une acné conglobata et une hidrosadénite suppurative. Le terrain en est très différent : hommes jeunes entre 20 et 40 ans.

Réponse 2

Réponses : A, B, D, E.
Devant une complication infectieuse sévère, un bilan d'immunodépression sous-jacente est nécessaire, de même que la recherche d'un diabète. Une biopsie cutanée est inutile car elle n'apportera aucun élément diagnostique. Un prélèvement bactériologique simple à l'écouvillon permettra d'adapter l'antibiothérapie dans un second temps. Une biopsie ganglionnaire est indispensable dans ce contexte de polyadénopathie avec complications bactériennes sévères, toujours dans le cadre de la recherche d'une pathologie sous-jacente.

Réponse 3

Réponses : A, C, D, E. L'isolement, les soins antiseptiques locaux et la détersion locale sont indispensables mais insuffisants. Une biantibiothérapie est nécessaire, initialement probabiliste (antistaphylococcique et antistreptococcique), secondairement adaptée à l'antibiogramme. Un abord chirurgical pour une détersion complémentaire sera à discuter en fonction de l'évolution clinique. La chimiothérapie sera à réaliser mais après résolution de cet épisode infectieux particulièrement sévère.

Réponse 4

Réponses : A, B, C, D, E.
Les complications du zona sont bien évidemment dominées par les algies postzostériennes qui sont d'autant plus fréquentes chez le sujet âgé et en cas d'atteinte du trijumeau. De nombreuses complications, peut-être moins fréquentes et surtout moins bien connues, sont possibles : les complications neurologiques sont assez fréquentes, essentiellement à type de paralysie dans le territoire du nerf atteint (1-5 %), mais également plus rarement : méningo-encéphalite, myélite et polyradiculonévrite. Quelques cas d'ulcérations neurotrophiques ont été rapportées ; c'est l'hypothèse d'une neuropathie induite par le VZV qui est soulevée. Des généralisations secondaires de zona dans les jours suivants l'éruption sont décrites, essentiellement chez le sujet immunodéprimé. Il faut souligner que, chez le sujet immunocompétent, quelques vésicules peuvent être découvertes à distance du dermatome initialement atteint. On ne parle de forme disséminée que si plus d'une vingtaine de lésions sont présentes en dehors du dermatome initial. Les formes chroniques de zona, définies par la persistance de nouvelles lésions plus d'un mois après le début de l'éruption sont également décrites chez des sujets immunodéprimés, particulièrement à un stade d'immunodépression profonde de l'infection par le VIH. Les lésions prennent volontiers un aspect verruqueux, hyperkératosique, à centre parfois nécrotique. En ce qui concerne les atteintes ophtalmologiques (kératite, uvéite, iridocyclite, glaucome, névrite optique...), elles sont l'apanage du zona ophtalmique et sont plus particulièrement à craindre en cas d'atteinte de la branche nasale interne (cf. signe de Hutchinson).

Dr Benoît CATTEAU Clinique de dermatologie, hôpital Huriez, CHU Lille.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7113