Management hospitalier

Une nécessaire révolution comportementale

Publié le 28/02/2014
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La « révolution de la qualité » amorcée en 1995, le passage à la T2A et l’évolution vers l’hôpital-entreprise ont profondément modifié l’organisation hospitalière. Non sans souffrances. L’hôpital est accusé depuis quelques années d’emprunter la voie d’un management contraire à sa vocation même. Ce changement de paradigme nécessite une nouvelle révolution aujourd’hui en gestation : développer la capacité des managers à accompagner le changement auprès de leurs équipes.

L’hôpital public est-il une entreprise comme les autres ? Cette question qui a fait florès durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy demeure toujours éminemment d’actualité. Le débat et le malaise qui persistent autour de l’approche managériale à mettre en place au sein de ces institutions « productrices de soins » ne se sont pas éteints avec les promesses du pacte de confiance. Si les propos se sont apaisés, la réalité demeure : les hôpitaux sont toujours pris dans un écheveau de contraintes composé de normes de qualité qui prolifèrent, de protocoles, de bonnes pratiques, de contraintes de ressources financières et de ressources humaines… et de nécessité de changement. La logique d’optimisation, voire de rentabilité, empruntée au privé, se caractérise notamment par des objectifs quantifiés d’accroissement de la production de soins et de la productivité. Elle a pour conséquence, aux yeux de certains, notamment du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNphare-E), de transformer l’hôpital en centre de profit. Et ce au prix d’une déshumanisation du service, d’une atmosphère morose et de conditions de travail dégradées, sources de souffrance et d’épuisement des personnels.

Une formation « comportementale » des cadres

De fait, confirme André Lestienne, directeur du Centre national d’expertise hospitalière (CNEH), « si la mise en place de ces “règles de l’art” que sont les démarches qualité (HAS) et les méthodes convergentes de l’analyse de processus (Anap) a permis une meilleure prise en charge des malades, elle a renforcé la bureaucratie et déresponsabilisé les individus ». Ce sombre tableau n’est pas partagé par Claude Bernard, directeur associé de l’Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap). Ce « nouveau management public » n’est selon lui que la conséquence et le révélateur des anomalies de l’hôpital. Il est d’ailleurs normal « que l’hôpital mutualise les méthodes du privé lucratif qui fonctionnent ».

Par-delà le clivage concernant le statut de l’hôpital (une entreprise comme les autres ou non ?), les directions ont bien conscience, depuis une dizaine d’années, que le seul respect des procédures dans le cadre de contraintes économiques ne suffit pas à motiver les équipes. D’où la nécessité de former les cadres au « management comportemental afin d’être en capacité de motiver, socialiser, définir des objectifs, déléguer, évaluer, motiver et de créer une dynamique de groupe pour atteindre des objectifs communs et fédérateurs », explique André Lestienne. Et force est de constater que des progrès restent à faire, la formation initiale des soignants, des médecins et des administratifs « ne visant uniquement aujourd’hui qu’à tester les qualités cognitives ». Les efforts de demain doivent donc contribuer à donner du sens à l’action pour remotiver les équipes. « C’est cela la clef de la réussite d’une entreprise », conclut André Lestienne.

Frédérique Josse

Source : Décision Santé: 295