ERNEST PIGNON-ERNEST fait partie de ces artistes qui parlent de leur oeuvre avec lucidité. «Je me sens à la fois l'héritier du courant Matisse-Picasso et de Duchamp»*, confie-t-il. C'est là toute l'originalité du travail de Pignon-Ernest : mêler la tradition et l'avant-gardisme, l'acte plastique et conceptuel, la matérialité et le fantasme.
La ville a toujours été le moteur, l'inspiration et le décor des créations d'Ernest Pignon-Ernest. Depuis les années 1960, il en exalte à la fois les formes, les symboles, la mémoire et l'histoire vivante. C'est lui qui est, entre autres, à l'origine des premières expériences artistiques en plein air, grâce auxquelles l'oeuvre d'art sortit du cadre strict du musée. «Quand j'interviens dans une ville… j'essaie de l'appréhender d'abord comme un plasticien (en peintre, en sculpteur) , à partir de ce qui se voit… et, en même temps, j'essaie de comprendre ce qui ne se voit pas, c'est-à-dire la force symbolique des lieux, leur charge d'histoire.»* L'oeuvre de Pignon-Ernest est faite de vérité et de souvenirs, de réalisme et de fiction, de mémoire et de présent.
Le palais Lumière retrace en quelque 300 oeuvres le parcours de l'artiste, sa démarche et les différentes étapes de son processus de création (premiers croquis, études, repérages, dessins préparatoires, photos des images en situation, étapes de leur altération au fil du temps…). Dans les années 1970, Pignon-Ernest initie sa première intervention in situ avec une série de sérigraphies pour le centenaire de la Commune de Paris. Il travaille dès 1972 les effigies des poètes tels Pasolini, Verlaine, Rimbaud ou Pablo Neruda, «symboles, mythes laïques, icônes païennes», qu'il placarde dans les villes (Desnos à Paris, Genet à Brest…), et réalise des collages sur des thèmes socioculturels (voir l'oeuvre des « Expulsés »). A Certaldo, en Toscane (la ville de Boccace), il dessine des hommes et des femmes nus escaladant les murs de la ville, et à Naples, il conçoit de nombreuses sérigraphies inspirées par l'imagerie et l'histoire de la cité campanienne, par ses rituels, ses symboles, la permanence de la mythologie… Parmi les oeuvres de Pignon-Ernest, on trouve aussi et encore la mise en image du roman « Concert baroque », d'Alejo Carpentier, des corps dessinés sur les vitres de cabines téléphoniques, des sculptures formées par l'accumulation de cellules végétales réalisées avec un biologiste, des travaux sur les émeutes de Soweto, sur l'Afrique et les maladies qui déciment ses habitants, ou sur Maurice Audin, le militant anticolonialiste.
Une oeuvre engagée et poétique, subversive et insolente, double et énigmatique.
Un artiste qui a su réinventer l'art, en y introduisant sa propre mythologie.
Palais Lumière, quai Albert-Besson, 74500 Evian. Tél. 04.50.83.10.25. Tlj, sauf lundi, de 10 h à 12 h, puis de 14 h 30 à 18 h 30. Entrée : 5 euros (TR : 3 euros). Jusqu'au 13 mai. A lire : catalogue, 368 p., Ed. Bärtschi-Salomon * « Etre artiste aujourd'hui », entretiens de Charles Matton, Ernest Pignon-Ernest, Alain Finkielkraut, Ed. du Tricorne, 64 pages.
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