UN ALLÈLE spécifique du gène de l'adipokine ANGPTL4, l'allèle E40K, semble associé à une réduction significative du taux de triglycérides et à une élévation de celui de cholestérol HDL. Cet allèle protecteur serait porté par environ 3 % des Américains d'origine européenne, mais semble beaucoup plus rare dans les populations d'origine africaine.
L'équipe de recherche texane qui a fait cette découverte cherchait initialement à préciser les fonctions des adipokines dans le métabolisme des lipides, chez l'homme. Les propriétés de cette famille de cytokines ont en effet été largement étudiées dans le modèle expérimental de la souris, mais très peu de données sur les adipokines humaines sont aujourd'hui disponibles.
Un inhibiteur des lipases.
Romeo et coll. ont focalisé leur attention sur ANGPTL4. Dans le modèle murin, l'absence de cette adipokine conduit à une diminution de la concentration plasmatique en triglycérides. Sa surexpression entraîne au contraire une hypertriglycéridémie, associée à une stéatose hépatique et à une réduction de la masse grasse. Ces données ont suggéré qu'ANGPTL4 devait être un inhibiteur des lipases, agissant de manière paracrine en répartissant les acides gras entre les sites de stockage (tissus adipeux) et les sites d'oxydation (coeur, muscles squelettiques et le foie).
La stratégie d'étude de Romeo et coll. s'est fondée sur la recherche de polymorphisme du gène ANGPTL4 modifiant le métabolisme énergétique humain. Dans ce but, les chercheurs ont analysé la séquence de ce gène chez 3 551 Américains qui avaient participé à la Dallas Heart Study. Cette cohorte comprenait 1 045 sujets d'origine européenne, 1 830 Afro-Américains, 601 Hispaniques, 75 personnes d'autres origines ethniques. Les participants ont été répartis en quatre groupes en fonction de leur taux de triglycérides (le groupe 1 correspondant au triglycéridémies les plus importantes et le groupe 4 aux plus basses).
L'étude génétique a mis en évidence 93 variations de séquences différentes. Plus de la moitié d'entre elles (n = 49) n'ont été observées que chez une seule personne, et 86 % n'apparaissent qu'avec une fréquence inférieure à 3 %. Il est en outre apparu que le nombre de sujets porteurs d'un variant du gène ANGPTL4 était significativement plus important dans le groupe 4 (triglycéridémie basse, n = 13) que dans le groupe 1 (triglycéridémie élevée, n = 2).
Extrêmement rare dans le autres groupes ethniques.
Les chercheurs ont poursuivi leur travaux en s'intéressant uniquement aux variants dont la fréquence est supérieure à 1 % et dont la présence semble avoir un impact sur le taux de triglycérides. Il s'est avéré qu'un seul des 93 variants découverts répondait à ces deux critères : le variant E40K. Dans la cohorte de Dallas, les porteurs de cet allèle montrent une triglycéridémie inférieure de 27 % à celle des autres sujets. Par ailleurs, leur taux de cholestérol HDL semble significativement supérieur à celui des non-porteurs. Fait notable, alors que l'allèle en question est retrouvé chez près de 3 % des sujets d'origine européenne, il est extrêmement rare dans les autres groupes ethniques de la population analysée.
Pour valider ces résultats, Romeo et coll. ont recherché l'allèle E40K dans deux autres cohortes, celle des participants à l'étude ARIC (Atherosclerose Risk in Communities) et celle de l'étude danoise CCHS (Copenhagen City Heart Study). Parmi les sujets d'origine européenne enrôlés dans l'étude ARIC (n = 8 726), 343 étaient porteurs hétérozygotes et 7 porteurs homozygotes de l'allèle E40K. Dans la cohorte danoise (n = 8 750), les chercheurs ont mis en évidence 505 porteurs hétérozygotes et 6 homozygotes. Dans les deux cas, il est apparu que la présence d'au moins un allèle E40K était effectivement associée à une triglycéridémie significativement plus faible que celle observée dans le reste de la population étudiée, ainsi qu'à un taux de cholestérol HDL élevé.
S. Romeo et coll., « Nature Genetics », édition en ligne avancée.
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