De notre correspondante
AU STADE AVANCÉ de la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), l'évolution se fait vers une atrophie géographique (forme sèche avancée) ou vers une néovascularisation sous-rétinienne (forme humide ou exsudative).
La forme sèche est responsable de 10 % des cécités dues à la DMLA. Son étiologie reste inconnue et elle demeure sans traitement. Mais de plus en plus de données suggèrent qu'une inflammation pathologique, provoquée par des agents microbiens ou viraux, entraîne une DMLA. Des variants des gènes codant pour les facteurs H (CFH), C2 et C3 du complément, ainsi que du gène HTRA1 codant pour une sérine protéase de choc thermique (activée par le stress cellulaire) sont associés à la DMLA, quelle qu'en soit la forme. Récemment, la DMLA a été aussi associée à des variants du gène TLR4 (Toll-Like Receptor 4), un récepteur de l'endotoxine bactérienne.
Un récepteur détecteur de virus.
Dans son étude, l'équipe du Dr Kang Zhang (université de Californie à San Diego) a cette fois recherché la possibilité d'une association entre la DMLA et le gène TLR3, un récepteur détecteur de virus qui intervient dans l'immunité innée et la défense de l'hôte. Ils en ont examiné en particulier un variant (rs3775291) qui substitue à la phénylalanine (Phe) une leucine (Leu) sur l'acide aminé 412. Ils ont étudié une série de cas-témoins d'origine européenne (Américains d'Utah), composée de patients atteints de forme humide (n = 441), de forme sèche (n = 232), de forme précoce (n = 152) et de 352 témoins indemnes.
Résultat, le variant Phe 412 du gène TLR3 est associé à une protection contre l'atrophie géographique, mais ne montre pas d'association avec la néovascularisation choroïdienne (humide) ou la phase précoce de la DMLA. Cette association a été confirmée dans deux séries indépendantes de cas-témoins d'origine européenne.
Les chercheurs ont ensuite mis en culture des cellules de l'épithélium pigmenté de la rétine humaine et les ont exposées à un ligand prototype du TLR3, un ARN double brin synthétique qui active le TLR3. Ils ont constaté que le ligand de TLR3 induit l'apoptose d'un plus grand nombre de cellules homozygotes pour le variant Leu, que de cellules hétérozygotes Leu-Phe.
Les chercheurs suggèrent donc que l'activation du TLR3 par un virus double brin ou une molécule similaire, majorée pour le variant Leu412, pourrait favoriser la progression vers l'atrophie géographique. Si tel est le cas, une transmission de cellule à cellule des
particules ou protéines virales activant le TLR3 pourrait entraîner la DMLA. A l'inverse, l'ARN des cellules voisines endommagées ou mourantes pourrait déclencher l'activation du TLR3.
«Cette étude révèle que l'activation du TLR3 aboutit au décès de cellules spécifiques dans la rétine, explique au “Quotidien” le Dr Zhang. Les individus portant le gène normal TLR3 sont de 2 à 5fois plus susceptibles de développer la DMLA sèche que ceux qui portent une mutation inactivant ce gène… Cette découverte ouvre la voie au développement de traitements, qui font défaut actuellement… À l'avenir, nous devrions être capables de prédire quels patients auront une DMLA sèche et de développer des moyens pour prévenir ou retarder ce processus.»
Enfin, ajoute-t-il, «cette recherche indique que les individus porteurs d'un variant du TLR3 (Leu412) pourraient courir un risque avec les nouvelles thérapies pour la forme humide de la DMLA, qui utilisent les ARN interférants (ARNi) pour inactiver des gènes responsables de maladie. Plusieurs essais cliniques sont en cours». L'ARNi pourrait activer le récepteur TLR3 chez les patients à risque et conduire à l'atrophie géographique. l reste maintenant a rechercher l'existence et la nature de l'ARN double brin (viral ou autre) dans les yeux concernés. Les rhinovirus, parainfluenza et influenza sont tous à ARN double brin.
Yang et coll. « New England Journal of Medicine », 2 octobre 2008, p. 1456.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature