A la lumière des premiers résultats de l’étude menée par l’Angh, les hémorragies digestives hautes communautaires restent grevées d’une mortalité hospitalière de 9 %. Parmi les étiologies, la prise d’antiagrégants plaquettaires et les hémorragies liées à une oesophagite sont à souligner.
LES HÉMORRAGIES digestives hautes (HDH) représentent l’une des principales urgences en gastro-entérologie. En France, cette pathologie occasionnerait 38 000 séjours hospitaliers et 350 000 journées d’hospitalisation par an.
Dans près de 80 % des cas, elles sont explicables par une pathologie ulcéreuse, une hypertension portale, des érosions gastroduodénales ou une oesophagite par reflux (1).
Le recensement prospectif des hémorragies digestives hautes prises en charge dans huit centres hospitaliers, quatre hôpitaux généraux et quatre hôpitaux universitaires dans le nord et l’ouest de la France a permis de comparer les patients et les pratiques entre 1996 et 2000 (2). Le nombre de malades sous anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains) et de ruptures de varices oesophagiennes avait significativement augmenté entre ces deux dates, passant de 23 à 30 %. Pendant la même période, la pratique des injections hémostatiques chez les sujets ayant une hémorragie ulcéreuse est restée stable, celle de la ligature élastique a augmenté et le nombre de malades traités par sclérose endoscopique a diminué. Le recours à la chirurgie est resté faible et la mortalité globale a diminué de 11 à 7 %, notamment chez les cirrhotiques, chez lesquels elle est passée de 20 à 11 %.
Une étude pragmatique ambitieuse.
Afin de préciser la morbi-mortalité hospitalière des HDH communautaires, leurs caractéristiques épidémiologiques actuelles et les pratiques professionnelles, le groupe hémorragies digestives hautes de l’Association nationale des hépato-gastro-entérologues des Hôpitaux généraux (Angh) a mis en oeuvre une étude dans 53 hospitaliers généraux du 1er mars 2005 au 28 février 2006. Cette étude a été réalisée grâce au soutien du fonds d’aide à l’évaluation de la qualité de soins de la Snfge et des Laboratoires Sanofi-Aventis. Les patients reçus en urgence pour une HDH communautaire ont été inclus de manière exhaustive. Les données cliniques, biologiques et endoscopiques ont été recueillies jusqu’à la sortie de l’hôpital.
Six mois après le début de l’étude, 1 682 patients ont été inclus. Les données disponibles actuellement portent sur les 1 080 premiers malades, 729 hommes et 351 femmes, âgés de 64 ± 17 ans.
Le mode de révélation de l’hémorragie a été une hématémèse près de 6 fois sur 10, un méléna isolé près de 4 fois sur 10 et, plus rarement, une anémie aiguë sans saignement extériorisé. L’état hémodynamique des patients à l’arrivée était caractérisé par une pression artérielle systolique moyenne de 120 ± 25 mmHg et une fréquence cardiaque de 97 ± 20 battements par minute, avec une hémoglobinémie moyenne de 9 ± 3 g/dl. Les patients avaient un antécédent d’hémorragie digestive près de 1 fois sur 4, et une cirrhose connue 1 fois sur 3. Avant l’accident hémorragique, 11 % des patients prenaient des Ains, 28 % de l’aspirine ou des antiagrégants plaquettaires et 10 % des antivitamine K.
Des stigmates de saignement récent ont été constatés lors de l’endoscopie dans 60 % des cas. Les causes les plus fréquentes d’hémorragie ont été les ulcères, gastrique ou plus souvent duodénal, avec 129 et 198 cas respectivement sur les 1 080 malades analysés. Des varices oesophagiennes ou gastriques étaient en cause chez 233 patients. Des érosions gastroduodénales ont été retrouvées chez 62 sujets, une gastropathie d’hypertension portale dans 57 cas, plus rarement un cancer de l’oesophage ou gastrique ou d’autres lésions encore. Fait intéressant, une oesophagite a été mise en évidence chez 233 patients sur 1 080.
Hémostase endoscopique.
Un peu plus de 1 fois sur 3, un geste d’hémostase a été réalisé pendant l’endoscopie. Deux patients sur trois environ ont été transfusés. Une récidive hémorragique est survenue chez 10 % des patients et la mortalité hospitalière a été de 9 %.
Les facteurs prédictifs de récidive hémorragique dans cette étude ont été des antécédents de cirrhose, la prise d’anticoagulants, mais aussi d’antiagrégants plaquettaires, une pression artérielle systolique basse ou une hémoglobinémie basse, la pratique de transfusions et le score de Rockall (3), qui prend en compte l’âge, l’existence d’un état de choc initial, une comorbidité, ainsi que le diagnostic endoscopique. Les facteurs prédictifs de décès hospitalier ont été l’âge, les antécédents d’hémorragie digestive, une pression artérielle systolique basse et le score de Rockall.
Ainsi, au cours des hémorragies digestives hautes communautaires, la mortalité reste importante en dépit de l’utilisation des moyens hémostatiques lors de l’endoscopie. La fréquence élevée de la prise d’antiagrégants plaquettaires et des hémorragies liées à une oesophagite doit être soulignée.
Les résultats définitifs de cette étude, qui inclura près de 3 000 patients, permettront une meilleure connaissance des facteurs prédictifs actuels de récidive hémorragique et de mortalité et contribueront à l’amélioration de la prise en charge des patients.
D’après un entretien avec le Dr Hervé Hagège, centre hospitalier intercommunal, Créteil.
(1) Czernichow P et coll. Epidemiology and Course of Acute Upper Gastro-Intestinal Haemorrhage in Four French Geographical Areas. « Eur J Gastroenterol Hepatol » 2000 ; 12 (2) : 175-181.
(2) Di Fiore F et coll. Hémorragies digestives hautes communautaires de l’adulte : les malades et les pratiques ont-elles évolué en cinq ans ? Etude entre 1996 et 2000 dans huit centres hospitaliers. « Gastroentérologie clinique & biologique » 2002 ; 26, HS1, 0399-8320.
(3) Rockall TA et coll. And the Steering Committee and Members of the National Audit of Acute Upper Gastrointestinal Haemorrhage. Risk Assessment After Acute Upper Gastrointestinal Haemorrhage. « Gut » 1996 ; 38 : 316-321.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature