Dans le canton de Kreiz-Breizh (Côtes-d'Armor), environ quinze médecins généralistes assurent depuis des années la permanence des soins « à l'ancienne », c'est-à-dire dans leur cabinet. Ils y donnent les consultations qui ne peuvent pas attendre les heures d'ouverture habituelles des cabinets, ainsi que les visites incompressibles dans cette région rurale à la population vieillissante. En 2004, un projet d'hôpital local, adossé à un centre hospitalier spécialisé dans la commune de Plouguernével, est à l'étude. Le projet prévoit, en outre, la création dans les mêmes locaux d'une Maison médicale de garde (MMG). Sur le principe, une bonne partie de ces médecins engagés dans la PDS sont d'accord pour effectuer leurs gardes à la MMG et pour collaborer à l'hôpital local. «Le problème, indique le Dr André Saout, président de l'association de médecins qui s'est créée pour résister à l'ouverture de la MMG, c'est que, au sujet de l'hôpital local, le contrat qui nous a été proposé ne correspondait pas dutout à ce qui avait été dit au départ. Quant à la MMG, nous nous sommes opposés à ce qu'elle fonctionne sans régulation préalable, en contradiction avec les textes en vigueur.» Bref, ça coince. Sur la quinzaine de médecins impliqués localement dans la PDS, deux seulement acceptent d'effectuer leurs gardes dans la MMG. Selon le Dr Saout, «ces deux médecins trouvaient qu'on ne travaillait pas assez en astreinte au cabinet. Ce sont eux qui ont fait en sorte que la MMG soit en accès direct, c'est-à-dire sans régulation préalable obligatoire, puisque la MMG a un numéro de téléphone communiqué aux patients». André Saout laisse même entendre que cette MMG aurait reçu l'appui d'un certain nombre de responsables politiques locaux, soucieux de ménager leur électorat à l'approche de la prochaine échéance municipale.
Depuis l'ouverture de la MMG, à la mi-février, la majorité des médecins du secteur ne participent plus aux gardes du week-end, assurées notamment par les deux médecins supporters du projet sur le site de la maison médicale. «Vu qu'il n'y a aucune régulation, les patients arrivent comme ils veulent, ajoute le Dr Saout. Si bien que la MMG peut enregistrer une trentaine de consultations de PDS durant le week-end, là où nous en faisions sept ou huit. A l'heure où on nous parle sans arrêt d'économie de santé et d'éducation des patients, cela pourrait représenter un surcoût annuel pour la caisse primaire d'environ 45000euros.»
Dans la communauté de communes du Kreiz-Breizh, la tonalité est tout autre. Pour Pierrick Le Saulnier, directeur général des services, il s'agit surtout «d'un différend entre médecins qui éprouvent une franche détestation les uns pour les autres. Cette MMG a été créée à l'initiative de certains d'entre eux, et notre rôle a été mineur». Selon Pierrick Le Saulnier, la communauté de communes s'est bornée à «prendre en charge de petites dépenses d'aménagement et de fonctionnement». Quant aux locaux, assure-t-il, ils sont mis à disposition à titre gracieux par l'hôpital local. A la question de savoir s'il est normal qu'une MMG fonctionne hors régulation, malgré les textes en vigueur, Pierrick Le Saulnier botte un peu en touche, en assurant qu'elle fonctionne «avec et sans régulation: si un patient est dirigé vers la MMG par le centre15, il sera reçu comme les autres». C'est bien le moins… Mais le directeur général des services ajoute, à juste titre : «Que voulez-vous, quand une personne âgée a déjà été dirigée une fois vers la MMG par le centre15, elle connaît le chemin et y revient d'elle-même, avec ou sans le centre15.»
Le Dr Saout a adressé à la fin de janvier un courrier au ministre de la Santé, Xavier Bertrand, pour dénoncer cette situation. Il regrette que son courrier soit pour l'instant resté sans réponse.
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