IL EST toujours difficile de présenter une brochure de ce type et le plus simple est sans doute d’envoyer les praticiens la consulter sur le site : www.niaaa.nih.gov. Mais disons simplement qu’elle est très claire et très simple, qu’elle fournit une graduation du screening et de la prise en charge selon le degré de dépendance (à risque, consommation excessive, alcoolo-dépendant), des conseils pour gérer les patients qui refusent la prise en charge, des informations sur les traitements, des fiches de bilan et de suivi, ainsi que des réponses à des questions fréquemment posées.
Un problème un peu oublié.
Il faut dire que les statistiques présentées à Toronto montrent que l’alcoolisme a peut-être été un peu trop oublié au cours des dernières années, l’accent ayant été mis sur d’autres addictions, à commencer par le tabagisme. Selon une enquête effectuée dans 43 000 foyers américains, 30 % des sujets interrogés ont présenté des troubles liés à la consommation d’alcool, ce qui fait dire à F. S. Stinson (Maryland) qu’il s’agit « du trouble psychiatrique le plus fréquent aux Etats-Unis ». Les jeunes hommes célibataires et caucasiens paraissent particulièrement touchés. Cette enquête établit un lien entre alcoolo-dépendance (mais pas consommation excessive d’alcool) et les troubles des axes I et II du DSM IV. Une autre étude (R. J. Frances, New York) montre que sur les 18 millions d’Américains présentant des troubles liés à l’alcool (AUD), 8 % sont alcoolo-dépendants, mais seulement 15 % de ces derniers recherchent une prise en charge médicale.
Ralph Hingson (Niaaa/NIH) souligne les dangers touchant les jeunes Américains. Selon une récente enquête fédérale, plus de deux millions d’Américains, âgés de 12 à 20 ans, consomment trop d’alcool (en dépit de la loi interdisant la vente avant 21 ans), et l’on estime que, chaque année, les accidents liés à l’alcool tuent quelque 5 000 jeunes de moins de 21 ans.
Intensifier la lutte sur le terrain.
A côté des actions globales pour juguler ce fléau, des initiatives ciblées sont envisagées. Ainsi, L.D. Larry Gentilello (Dallas, Texas) a montré que les centres de traumatologie sont un excellent endroit pour proposer des cures de désintoxication à des patients qui ont eu un accident sous l’emprise de l’alcool : une étude prospective ayant porté sur 762 patients montre que, au terme de trois ans de suivi, le taux de nouveaux accidents a été réduit de 47 % (p = 0,07). Parallèlement, la consommation d’alcool est significativement réduite dans le groupe intervention (p = 0,03). Ces résultats font dire au Dr Gentilello que cette stratégie est payante, mais qu’elle se heurte à un obstacle medico-légal majeur : qui a envie d’officialiser l’accident sous emprise de l’alcool en débutant une désintoxication en sachant que les assurances pourraient en tirer des conclusions.
Génétique et imagerie appelées en renfort.
Cette mobilisation contre l’alcoolisme se traduit également au niveau de la recherche, notamment en génétique, surtout depuis que H.J. Edenberg (Indianapolis) a identifié un gène du récepteur GABA-A (GABRA-2) comme étant associé à l’alcoolo-dépendance. Cette découverte a été confirmée par d’autres équipes travaillant dans la Coga (Collaborative study of the Genetics of Alcoholism), et ce gène a été associé à d’autres pathologies de l’adolescence (toxicomanies, personnalités asociales, troubles du comportement…). «Des observations qui vont dans le sens des données épidémiologiques qui retrouvent souvent ces comorbidités», note Danielle M. Dick (Saint-Louis). D’autres gènes ont été également associés à l’alcoolo-dépendance (CABRG3 et CHRM2, A H4), une attention particulière étant portée au gène CHRM2, gène muscarinique cholinergique situé sur le chromosome 7 qui semble également associé à la dépression (B. Porjesz, New York). Des chercheurs sud-coréens (Doughyrin Han et coll., Séoul) ont également décrit un rôle de l’allèle D de la NO1O2 (enzyme de détoxification de l’alcool) dans l’apparition précoce de l’alcoolo-dépendance. A côté de la génétique, l’imagerie (PET-scan, IRM fonctionnelle) pourrait, selon le Pr K. F. Mann (Heidelberg, Allemagne), permettre de distinguer les patients répondant mieux à la naltrexone ou à l’acamprosate, en association avec les études pharmacologiques. Enfin, il faut citer de nombreux travaux préliminaires fournissant de nouvelles cibles pour le traitement pharmacologique de l’alcoolisme : récepteur CHR-R1, NK1, NPY-Y2, canaux ioniques modulant la fonction dopaminergique au niveau cortico- mésolimbique.
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