REUNIS A LUXEMBOURG, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne en appellent à une coordination internationale pour faire face à « la menace mondiale » que constitue désormais la grippe aviaire. Le virus H5N1, qui a fait une soixantaine de morts en Asie depuis 2003, a été détecté en Turquie et en Roumanie la semaine dernière, et sa présence est aujourd'hui suspectée en Grèce, en Macédoine, ainsi qu'en Roumanie, avec un « possible » nouveau cas dans le delta du Danube (sud-est), à proximité de la frontière avec l'Ukraine.
Les autorités grecques ont découvert un virus d'un sous-type H5 dans un échantillon de sang prélevé sur des dindes, dans une petite ferme de la région de Chios, à quelques kilomètres des côtes de la Turquie. En Macédoine, c'est une volaille du village de Mogila, au sud-ouest de Skopje, qui serait porteuse du virus aviaire. Dans ce contexte de progression épidémique, les 25 estiment qu'ils ne peuvent « pas (se) protéger seuls » et qu'« il faut une action internationale ».
L'idée exposée par le commissaire européen à la Santé et à la Protection des consommateurs, Markos Kyprianou, consiste à aider « les organisations internationales » qui mènent le débat sur le sujet, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), ainsi que la Banque mondiale et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
« L'Europe n'est pas préparée ».
Cependant, la Commission européenne encourage une nouvelle fois les Etats membres à faire des efforts pour se conformer aux recommandations de l'OMS sur les stocks d'antiviraux et atteindre le seuil de 25 % de leur population.
« Le stockage d'antiviraux est un aspect important pour faire face à une pandémie de grippe, confirme le groupe scientifique européen de travail sur la grippe (Eswi). Mais le développement d'un vaccin contre la grippe humaine est également crucial. » « L'Europe n'est pas préparée » à une pandémie, a souligné cette organisation d'experts qui regroupe des centres de recherche européens comme l'institut Pasteur ou l'institut Robert Koch et des représentants des grands laboratoires pharmaceutiques.
S'agissant de la France, Dominique de Villepin a annoncé à l'Assemblée nationale que « 50 millions de masques sont en cours de livraison dans les hôpitaux. Notre stock atteindra les 200 millions au début de l'année prochaine, promet le Premier ministre. En ce qui concerne les antiviraux, nous disposerons dès la fin de l'année des quantités nécessaires pour traiter 14 millions de personnes (...) Quant aux vaccins, nous avons réservé 40 millions de doses qui seront disponibles dès que le vaccin aura été élaboré ».
Le chef du gouvernement a, en outre, rappelé que la France, comme le reste de l'UE, a « interdit toute importation de volailles en provenance des différents pays contaminés ». Elle a « également décidé de renforcer la surveillance des oiseaux migrateurs et des volailles d'élevage ».
Premier pays de l'Union possiblement contaminé, la Grèce, sans attendre de connaître les résultats définitifs des analyses, a adopté une série de mesures pour isoler la région de Chios, avec l'interdiction de la circulation des personnes, des véhicules, de la volaille, des animaux et de la viande d'alimentation, ainsi que l'interdiction de la sortie d'œufs des exploitations. Des mesures de désinfection sont également obligatoires aux entrées et sorties des bâtiments agricoles. Mais aucune décision d'abattage n'a encore été prise.
Dans ce contexte de propagation des foyers, vraisemblablement véhiculés par des oiseaux migrateurs, l'OMS met en garde contre toute dramatisation excessive. « Il y a beaucoup d'autres raisons (que la contamination par le H5N1) pour expliquer les décès de groupes d'oiseaux, que ce soient des infections ou des empoisonnements, a rappelé le Dr Michael Ryan, chef du service d'alerte aux épidémies à l'OMS. Associer exagérément la grippe aviaire aux décès en groupe d'une espèce particulière d'oiseaux risque de provoquer des réactions alarmistes. »
Selon cet épidémiologiste, les flambées découvertes chez les oiseaux en Roumanie et en Turquie présentent un risque « relativement faible (...) Le gros du problème reste en Asie et la maladie est devenue hautement endémique dans une grande partie de ce continent ».
Selon l'OMS, « même si la présence d'oiseaux infectés sur le continent européen accroît le risque de contact entre le virus et des êtres humains, l'Extrême-Orient reste la source la plus probable d'une éventuelle pandémie de grippe ». Et l'endiguement du virus y est « très difficile ».
S'agissant de l'Europe, l'organisation onusienne redoute particulièrement la ruée vers le Tamiflu, et déconseille le stockage de l'antiviral autrement que par les personnes qui travaillent au contact direct avec les volailles. Le groupe pharmaceutique suisse Roche, qui détient la licence de la molécule, a annoncé qu'il est disposé à confier à d'autres laboratoires la fabrication de son médicament, en octroyant des licences secondaires pour augmenter le rythme production face à la progression exponentielle de la demande. Sur Internet, les prix s'envolent depuis quelques jours, sans aucun contrôle des prescriptions ni des produits : l'AFP constatant que la boîte de dix comprimés est vendue sur le Net jusqu'à 150 euros, soit cinq fois le prix moyen de commercialisation en officine.
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