LE SYNDROME de Gilles de la Tourette fait rire - tics moteurs et grimaces transformant le malade par à-coups en pantin désarticulé -, quand il ne fait pas peur - les cris, les reniflements, les crachats, les gestes et les mots obscènes qui accompagnent la maladie peuvent être impressionnants. Aussi, cette maladie neurologique a-t-elle pour première conséquence de marginaliser celles et ceux qui en sont victimes, soit quelque 20 000 personnes en France.
Si les malades eux-mêmes tendent à se mettre en marge de la société pour échapper au regard des autres et cacher leur handicap, ils sont de toute façon exclus d'un système de santé incapable de les intégrer dans une classification habituelle : en effet, le syndrome Gilles de la Tourette n'affecte en rien l'intelligence. Pourtant, en l'absence d'établissements adaptés, les enfants malades restent exclus de l'institution scolaire, et même les établissements pour handicapés rejettent le plus souvent les SGT. Résultat : les jeunes victimes de ce syndrome ne peuvent suivre aucun enseignement et entrent dans la vie adulte sans les connaissances indispensables à une bonne insertion, alors même que les manifestations de la maladie s'atténuent avec l'âge.
Une grande souffrance.
En effet, comme l'a souligné le Pr Marie Vidailhet, chef du service de neurologie à l'hôpital Saint-Antoine (Paris), lors du premier congrès de l'Association française du syndrome de Gilles de la Tourette (Afsgt), qui s'est tenu au Sénat en mars, les symptômes reculent avec l'âge dans plus de 70 % des cas. On constate une disparition totale des symptômes chez 26 % des patients et une amélioration chez 46 %. La maladie peut également se stabiliser (14 %) ou s'aggraver (14 %). Le SGT touche surtout les hommes et apparaît en moyenne à l'âge de sept ans. Le syndrome se manifeste essentiellement par des tics faciaux et cervicaux (de 50 à 70 %), les tics vocaux, et notamment les fameuses coprolalies (émission involontaire de mots obscènes), étant plus rares (de 12 à 37 %). Dans plus de la moitié des cas, la maladie s'accompagne de troubles obsessionnels compulsifs (comptage, rangement excessif...). Mais, chez les SGT, ces TOC sont contrôlables et n'occupent pas un maximum de temps. Plus que des troubles réellement compulsifs, il s'agirait d'une façon, pour les patients, de chercher à canaliser le désordre de la maladie. « Cette façon dont les patients cherchent à compenser et à contrôler les symptômes de la maladie témoigne d'une grande souffrance », explique le Pr Vidailhet.
Le cas Malraux.
Malraux lui-même, victime - on le sait peu - du syndrome de Gilles de la Tourette, était douloureusement conscient de son état, auquel il fait allusion dans « Lazare », en écrivant : « Ce qu'il y a en lui d'irrationnel, ce qu'il ne contrôle pas, ce qu'il effacerait de l'image qu'il se fait de lui. » Évoqué par le Dr Michel Gonce, neurologue au CHR de la Citadelle (Liège), « le cas Malraux » est un exemple de la diversité de cette affection qui touchait également Mozart, Kafka ou encore Zola. Agité de nombreux tics, Malraux souffrait à la fois de tics faciaux (des lèvres, des mâchoires, des yeux), de mouvements incontrôlés des mains, de haussements d'épaules, de contractions cervicales, de gesticulations et même de tics vocaux. A cela s'ajoutaient des gestes conjuratoires de contrôle, destinés à bloquer l'irruption des tics. Le ministre du général de Gaulle avait également la manie du rangement. Toutes manifestations qui s'atténuaient, voire disparaissaient, dans les activités qui réclamaient une forte concentration, telle que l'aviation ou les discours. A l'inverse, l'opium, le cannabis, l'alcool, le tabac et les amphétamines aggravaient et ont longtemps aggravé son état. Si certains de ses proches ont nié ou préféré nier l'existence de tics chez Malraux ; pour le Dr Gonce, il n'y a aucun doute, Malraux était bien un SGT. « Mais le syndrome de Gilles de la Tourette n'explique pas Malraux », précise-t-il.
Cet exemple, parmi d'autres (Andersen, Dickens...), confirme le potentiel « d'intégration » des SGT, pour autant que les moyens d'apprendre et de vivre comme les autres leur sont donnés. « En dépit de ce handicap, Malraux a eu une existence riche », conclut le neurologue.
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